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l’Unité, chef-d’œuvre qui a eu l’honneur d’être traité d’exagération par je ne sais quel héros de Saint-Médard et qui peut bien faire équilibre à ces tristes propositions qui sont réellement le scandale du sens commun, à ne les considérer même que sous le point de vue politique.

« Vous soupçonnez, mon digne ami, et vous croyez même, et de grands personnages croient aussi que le désaveu dont je vous ai parlé est une invention des novateurs ultramontains. Novateurs, mon cher comte, en vérité ? J’aurais droit de vous dire comme Jeannot : Ah ! ben oui, tu t’y connais ! C’étaient au contraire les ultramontains qui, depuis près de trois siècles, n’avaient pas de plus grande occupation que celle de se défendre contre les fatales innovations de vos sectaires qui s’appelaient l’Eglise catholique, avec la permission d’un Parlement gangrené de philosophisme et de jansénisme. La différence entre vous et les Italiens est que ceux-ci n’ont cessé de rendre justice à l’Église gallicane, avec une loyauté et, si je puis m’exprimer ainsi, avec une plénitude également honorable pour l’une et pour l’autre, tandis que les Français ne pensaient qu’à eux et n’estimaient qu’eux. Bossuet était connu, estimé, vanté en Italie autant qu’en France ; mais Bellarmin, qui n’a point de supérieur, pas même Bossuet, était à peine nommé en France. Mais les étrangers ne partageaient pas cette injustice et Leibnitz, qui a su le plus de choses, a dit de bonne foi : Les argumens de Bellarmin en faveur de la puissance du Souverain Pontife sont si pressans qu’ils ont paru tels à Hobbes même. Il était néanmoins protestant, mais il avait la candeur qui convenait à un grand homme et sa main très sûre se posait sur le Pape comme sur la clef de la voûte européenne. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il a reconnu l’autre chef, le Roi de France, ce qui lui fait beaucoup d’honneur (faites accorder lui, cher comte, avec ce que vous voudrez). La différence entre ces deux clefs, c’est que l’une est divine, et partant impérissable, l’autre est humaine et peut périr.

« Son plus grand intérêt était donc de conserver sa sœur et la voûte. Les conjurés le savaient bien ; aussi ils adressaient tous leurs coups au Pape et à la Maison de Bourbon. Nous savons, maintenant, tous les secrets de l’affreuse secte dont le tour de force a été de se servir de la main du fils aîné pour porter à la mère des coups qui devaient infailliblement retomber sur lui. Comment vous dire en quelques lignes ce qui exigerait des livres ?