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ce fait qu’ayant connu par une communication verbale, avant le prince de Bülow et avant M. Léon Bourgeois, ces instructions, j’en publiai, dès le 20 mars, un résumé dans le Temps et que c’est par ce résumé, aussitôt télégraphié, qu’on en eut connaissance à Berlin, où le comte d’Osten-Sacken avait tardé vingt-quatre heures à faire la communication.

Très maladroitement, la Gazette de l’Allemagne du Nord allait d’ailleurs aggraver l’importance de la dépêche russe, en engageant contre le Temps une campagne d’une violence inouïe. Elle prétendit d’abord que la publication du journal français n’était point exacte, alors qu’il suffisait de comparer les deux textes pour constater l’identité de leur sens ; pour s’assurer que, dans l’un comme dans l’autre, le gouvernement russe démentait énergiquement l’attitude à lui attribuée par le gouvernement allemand ; que, dans l’un comme dans l’autre, il affirmait n’avoir jamais conseillé à la France de céder sur Casablanca ; que, dans l’un comme dans l’autre enfin, il proclamait sa volonté de remplir tous ses devoirs d’allié et son désir de voir la conférence aboutir à une solution conciliante. Elle contesta ensuite que la publication eût été légitimée par les fausses nouvelles qu’avait propagées la diplomatie allemande sur l’isolement de la France. « Il n’existe pas, disait-elle, de documens de la diplomatie impériale qui contiennent une allusion à l’isolement de la France ou à un changement de front de la Russie. » Je répondis aussitôt, en révélant les démarches simultanées faites, à la suite de la circulaire du 12, par le comte Wolff-Metternich, le baron Speck de Sternburg et les autres ambassadeurs allemands. Et l’organe de la chancellerie dut avouer l’existence de cette circulaire[1], qui détruisait du coup toute sa thèse. La colère des officieux de Berlin avait donc pour résultat de

  1. Voici l’article de la Gazette de l’Allemagne du Nord, où s’enregistra cet aveu :
    « D’après des dépêches privées de Paris, le Temps prétend que les ambassadeurs allemands à Londres et à Washington ont, sur les instructions de Berlin, propagé la légende de l’isolement de la France. La vérité se réduit à ce fait que, le 12 mars, les représentans de l’Allemagne reçurent communication d’un rapport de M. de Radowitz disant que le projet Welsersheimb avait reçu un accueil extrêmement favorable et que la majorité des délégués avaient conseillé l’entente à leurs collègues français. Les diplomates allemands reçurent aussi les instructions de communiquer cela aux cabinets auprès desquels ils étaient accrédités, et d’exposer que le projet Welsersheimb offrait une base propre à mener la conférence à bonne fin et à inaugurer une période de tranquillité, de sécurité et de prospérité économique. »