Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

instrumens de la liberté. Elle y viendra sans doute. Elle est entrée dans des voies nouvelles ; il l’a bien fallu ; et s’n est vrai qu’il n’y a que le premier pas qui coûte, elle en fera d’autres. A une condition toutefois : c’est que le gouvernement ne l’obligera pas à se repentir d’avoir fait le premier.


Le second tour de scrutin des élections allemandes a confirmé les résultats du premier. L’échec des socialistes a été plus complet encore qu’on ne l’avait cru. On était si habitué à voir leur contingent grossir à chaque épreuve électorale nouvelle, qu’on était en quelque sorte préparé à assister une fois de plus à un phénomène qui semblait fatal. Mais toutes les prévisions ont été trompées. Aux dernières élections, les socialistes avaient eu 81 mandats, ils n’en ont plus que 43. Ils en ont donc perdu 38, qui ont été généralement gagnés par les libéraux de toutes nuances. Cela a suffi, et même assez largement, pour déplacer la majorité. Mais celle de demain sera-t-elle solide ? Serait-elle encore celle d’après-demain ? C’est une autre question : il serait impossible d’y faire dès maintenant une réponse.

Le Centre comptait 104 membres dans la dernière Chambre : il en aura 105 dans la nouvelle, différence insignifiante sans doute, mais qui n’en est pas moins une différence à son avantage. En somme, le Centre n’a pas été entamé. La situation toutefois n’est plus la même pour lui, parce qu’avec ses alliés socialistes, avec les Alsaciens-Lorrains, les Polonais, les Danois, Guelfes, etc., il avait hier la majorité dans le dernier Reichstag, et qu’il ne l’a plus maintenant. Sa majorité était à peu près égale à celle qui s’est formée dans le camp adverse. Elle était de 215 voix environ ; celle des conservateurs, des agrariens, des nationaux libéraux et des radicaux est aujourd’hui de 210, sur 397 membres dont le Reichstag se compose. Qu’on s’arrête un moment aux qualifications des partis que nous venons d’énumérer et dont le total forme la majorité nouvelle : on verra tout de suite combien elle est hétérogène, et par conséquent instable. Sera-t-il possible de faire marcher longtemps ensemble les conservateurs et les libéraux, les agrariens et les radicaux ? Ils représentent non seulement des principes politiques, mais des intérêts matériels absolument différens, ou même opposés. Une semblable coalition peut bien se former pour un jour de bataille ; mais peut-elle se maintenir le lendemain du succès, et se transporter, sans se briser, du terrain électoral sur celui du gouvernement ? Il faut plus d’unité pour gouverner. On dira sans doute que la coalition du Centre et des socialistes