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donner au public, et qu’il sollicitait leurs conseils ; n’était-il pas à craindre qu’en réclamant avec trop d’insistance contre la part de collaboration qu’on leur attribuait il ne parût insinuer que leurs conseils ne lui avaient servi de rien ?

Ainsi ces jeunes gens ne protégeât pas seulement les lettres, mais ils laissent volontiers croire qu’ils les cultivent. Ce n’est pas eux qui se permettraient d’assimiler le métier de poète à celui de parasite ou de baladin[1], puisqu’il ne leur déplaît pas qu’on soupçonne qu’ils font des vers à l’occasion, Leurs aïeux auraient difficilement compris qu’un homme de leur sang s’occupât à ces futilités, ils lui auraient rappelé le célèbre adage « qu’un citoyen doit compte à la république même de ses loisirs ; » eux ne pensaient pas déroger ou perdre leur temps quand ils écoutaient un poète de leurs amis qui leur lisait ses comédies, ils n’avaient aucun scrupule à lui donner des conseils quand il en demandait, et si quelque indiscret, qui voulait paraître bien informé, racontait dans le monde qu’ils allaient quelquefois jusqu’à collaborer à la pièce, loin de se fâcher, ils en étaient flattés et ne souhaitaient pas qu’on le démentît.

Ces dispositions d’esprit que nous saisissons dans cette jeunesse, dès la représentation de l’Andrienne, nous font comprendre les progrès que l’hellénisme y avait faits en quelques années. Poursuivons l’examen du théâtre de Térence, au moins dans ses principales œuvres, dans celles où se reflètent le mieux l’influence de son milieu et les conseils de ses amis. On verra qu’elles ont beaucoup à nous apprendre.


II

L’Andrienne avait réussi. Ce succès encouragea Térence ; il fit un pas en avant dans la voie où il était timidement entré et donna la Belle-mère (Hecyra).

La nouveauté est ici bien plus accusée. C’est véritablement un intérieur de famille qu’il nous fait entrevoir. Le décor n’a pas changé ; nous sommes toujours dans la rue ; mais il y est si souvent question de ce qui se passe dans la maison qu’on croit parfois y être. Il s’agit, selon l’usage, d’un fils qui est l’amant

  1. Comme faisait Caton qui les appelait sans façon des pique-assiettes.