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cette occasion ; d’après ses explications sommaires et vagues, Caroline n’eut pas sujet de faire tout de suite des rapprochemens de dates injurieux aux mânes du « grand Mirabeau. » Quand elles en vinrent aux confidences de détail, ces belles-sœurs avaient retrouvé leur mutuelle affection d’antan, et Emilie avait eu le bonheur de reconnaître par divers et notables services ceux qu’elle avait reçus des membres de la famille du Saillant et de leurs parens et amis. Au début de l’année suivante (février 1798), comme elle était de nouveau à Lyon, Emilie apprit la mort presque soudaine de son second mari. Elle fit part aussitôt de ce nouveau malheur à Caroline du Saillant (1er ventôse an VI).

Emilie était créancière de Caroline pour une somme probablement assez forte. Le marquis de Mirabeau n’avait laissé à ses enfans qu’une succession onéreuse et disputée. Le meilleur en était l’hôtel de la rue de Seine, mais les deux tiers en étaient confisqués par la République comme bien d’émigrés. Quant à Mirabeau l’orateur, on sait qu’il ignorait en mourant l’énormité de son passif, et que des legs qu’il crut pouvoir faire, presque seuls furent exécutés ceux que l’amitié généreuse de M. de la Marck prit à sa charge. Sa mémoire, bientôt noircie et déchirée, n’avait pu même protéger sa sœur aînée contre les persécutions terroristes ; Caroline avait connu les prisons pendant cinq mois, et elle en était sortie fort malade. Son fils unique, institué par Mirabeau son légataire universel, figurait sur la liste des émigrés : cette circonstance avait frappé de nullité un testament déjà difficile à réaliser. Mme du Saillant avait sans succès demandé, le 29 ventôse an III, « aux citoyens administrateurs du département de Paris » d’être personnellement relevée de cette déchéance. En somme, les prêts d’Emilie della Rocca lui avaient été des plus secourables ; mais elle n’en pouvait rien rembourser, Toutefois, elle ne paya pas que de « mots » Emilie qui en avait payé tant de gens en 1774 et, sans doute, depuis. Elle lui proposa de rentrer à l’hôtel Mirabeau, et d’y finir sa vie comme chez elle. M. de Marignane, rentré à Aix, s’accommodait bien d’y vivre tout seul. Emilie le quitta pour toujours, ainsi que sa mère et que son fils, abandonné à la famille de la Roque. Elle reprit son nom de comtesse de Mirabeau et vint habiter le 1er floréal an VI avec Caroline.

Ce n’était pas un grossier désir de « rentrer dans son argent »