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Pascalis était arrêté avec M. de la Roquette ; et, quelque temps après, la populace les pendait à une corde de réverbère. M. de Guiramand ne tardait pas à éprouver le même sort. Emilie s’en fut rejoindre son père à Nice.

Tant que son mari vivait, elle pouvait se croire personnellement en sécurité sous l’égide du nom de comtesse de Riquetti-Mirabeau, qu’elle s’enorgueillissait d’avoir repris. Quand il fut mort, il y avait de quoi trembler entre une populace enhardie par l’impunité de toutes les profanations et une municipalité qui ne s’intéressait que distraitement au vide de la tribune nationale. Au milieu de la consternation universelle, Aix n’avait eu que des accens criards et mesquins. Un deuil public de trois jours (11, 12, 13 avril 1791) avait bien été prescrit ; et puis, on avait décidé l’érection prochaine sur une des places de la ville d’une statue du Père de la Patrie ; mais en même temps, la municipalité d’Aix s’était ingéniée à ne pas faire les frais de cette statue ; elle demandait à l’Assemblée de les mettre au compte de la Nation.

Une année ne s’était pas écoulée depuis la mort du tribun, et la Révolution, maîtresse à l’intérieur, avait dû faire face à la coalition des émigrés avec les puissances étrangères. Le consul général de France à Nice surveillait les affidés du Comte d’Artois, qui avait son quartier général à Turin. C’était M. Le Seurre. Il envoyait à Paris les rapports les plus alarmans sur ces menées. Au printemps de 1792, sommée de rentrer à Aix sous peine d’inscription sur la liste des émigrés, de confiscation de ses biens et de mise à mort si elle était appréhendée, Emilie se présenta devant ce consul général, munie du certificat suivant :


Certifie moi soussigné, chirurgien-major au service de Sa Majesté le Roi de Sardaigne, que Mme la comtesse de Riquetti, de constitution délicate et très sensible, se trouve depuis environ six mois travaillée d’une affection spasmodique générale, mais qui fait particulièrement ses ravages à l’estomac, où elle excite constamment le vomissement des alimens les mieux choisis qu’elle prend. Cette maladie a résisté jusqu’à ce jour aux remèdes les mieux indiqués ; et la malade se trouve en conséquence réduite à un tel état de faiblesse qu’il l’oblige à garder continuellement le lit, et lui rend impossible de pouvoir entreprendre actuellement le voyage qu’on lui conseille et qu’elle désire, de repasser en France où on ose espérer que la salubrité de l’air natal rendra les moyens curatifs plus efficaces. Et pour être telle la vérité, j’ai signé le présent, pour lui servir et valoir ce que de raison. — Nice, le 9 avril 1792.

Signé : BOUFFER.

Enregistré à Aix le 13 avril 1792.