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possible derrière les Bénédictines où il allait le retrouver. Arrivés tous deux sur ce dernier local, M. de Mirabeau témoigna les mêmes craintes ; alors M. de Galliffet répondit qu’il n’était plus temps d’attendre et découvrit sa poitrine à son adversaire ; celui-ci en fit autant, et ils mirent tous deux l’épée à la main.

Le comte de Galliffet se borna d’abord à parer les bottes et à se défendre. Cependant la pointe de son épée ayant touché l’habit du comte de Mirabeau du côté de la poitrine, le comte de Galliffet craignant de l’avoir blessé lui dit : Je vous ai touché, êtes-vous blessé ? Le comte de Mirabeau répondit que non et le combat continua. Le comte de Mirabeau porta à son tour un coup d’épée qui passa entre les cuisses du comte de Galliffet et lui perça sa culotte. M. de Mirabeau dit alors au comte de Galliffet qu’il était blessé. Le comte de Galliffet dit qu’il était en état de continuer, le comte de Mirabeau voulut finir le combat déclarant qu’il était satisfait, qu’au fond il n’avait point d’animosité contre lui. Il s’approcha de lui et lui toucha la main en le priant de lui faire donner de ses nouvelles.


Mais M. de Galliffet s’étant le même jour rendu chez Emilie, Mirabeau déclara partout que son adversaire avait manqué à sa promesse de ne plus voir sa femme ; promesse que M. de Galliffet nia avoir faite ; et une nouvelle provocation lui fut adressée sur le Cours où il se promenait en boitant, ayant la cuisse enflée. Mirabeau déclara se rendre à Vaucluse où il appelait le comte de Galliffet. Celui-ci nia encore avoir reçu cet appel ; mais il est assuré que Mirabeau, s’étant rendu à Vaucluse, l’y attendit plusieurs jours durant, et de là sans doute lui envoya des écrevisses, pêchées dans la célèbre fontaine.


Cependant les personnes préposées à l’ordre public s’étaient formalisées des jactances du comte de Mirabeau... M. le premier président l’a fait venir chez lui, et le comte de Galliffet ; ils s’y sont trouvés ensemble, le comte de Mirabeau lui a parlé fort honnêtement, et lorsqu’il a voulu lui marquer de la reconnaissance d’avoir déclaré au prévôt qu’il n’avait point reçu d’appel de sa part ou de proposition de se rendre à Vaucluse, le comte de Galliffet lui a répondu d’une manière noble et simple qu’il n’avait pu répondre autrement au prévôt, parce qu’en effet il ne lui en avait donné aucun. Le reste de la conversation a été honnête..., et, le lendemain, ils ont dîné ensemble chez M. le premier président, avec plusieurs officiers, quelques gentilshommes et quelques membres du Parlement.


Après s’être diverti plusieurs semaines durant à Aix et à Marseille dans la compagnie des adorateurs de la Saint-Huberti, qui alors chantait alternativement sur les scènes de ces deux villes, Mirabeau donna suite au projet qu’il avait publié de faire casser l’arrêt du Parlement ; et le 9 septembre, à cet effet, il prit