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de la représentation de l’Andrienne, sa première comédie. L’histoire en est piquante, et, quoiqu’elle soit très connue, comme c’est la première mention qui nous soit restée d’eux, il convient de la rappeler.


I

A Rome, aussi bien que dans la Grèce, les représentations dramatiques étaient de grandes solennités. Elles intéressaient à la fois la religion et la politique, et, comme elles ne se produisaient guère que cinq ou six fois par an, on les attendait avec une grande curiosité. Elles donnaient lieu à des compétitions ardentes et mettaient aux prises d’abord les diverses troupes de comédiens qui se disputaient l’honneur et le profit d’être choisies pour donner des représentations à Rome, puis, dans chaque troupe, les différens acteurs qui recevaient des récompenses particulières, selon le succès qu’ils avaient obtenu. Mais la lutte était vive surtout entre les faiseurs de pièces, pour qui les occasions de se faire connaître étaient rares, et qui tenaient d’autant plus à en profiter que seul alors le théâtre pouvait fournir aux écrivains le moyen de vivre. Si nous en croyons l’auteur inconnu du prologue de Casina, Plaute, qui avait été de son temps le maître de la scène comique à Rome, fut mal remplacé. Son successeur le plus renommé, Cæcilius, n’obtint que des succès intermittens. Depuis que l’âge l’avait éloigné du théâtre, la première place semblait appartenir à Luscius Lanuvinus ou Lavinius, qui paraissait très décidé à ne pas se la laisser prendre.

Au mois d’avril de l’année 588, on allait célébrer les jeux de la Grande Déesse (Ludi megalenses). Le bruit se répandit qu’on devait y jouer une pièce d’un jeune homme inconnu, qui s’était révélé poète tout d’un coup, sans qu’auparavant on en eût entendu parler. On disait qu’il était Africain d’origine, né à Carthage, que le sénateur Terentius Lucanus l’avait acheté dans un marché d’esclaves, et que, le trouvant intelligent et d’une figure agréable, il l’avait affranchi et fait instruire. En ce moment le jeune homme vivait dans l’intimité de Scipion et de ses amis, et c’est probablement à leur instigation qu’il avait composé la comédie qu’on allait représenter.