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voulu concéder la possession de l’abbaye de Miramondo, qui avait été par le Pontife résignée à l’un de ses parens. Ces injures privées accrurent chez ces jeunes gens la volonté, en les vengeant, de délivrer la patrie de tant de maux ; espérant, s’ils réussissaient à le tuer, être suivis non seulement de beaucoup de nobles, mais du peuple tout entier. Ainsi les injures privées y sont encore, mais le bien public y est aussi, et la passion de la gloire, le souffle de l’antiquité, la flamme romaine, surtout pour Girolamo Olgiato, animent, échauffent et éclairent tout.

C’est pourquoi, résolus à cette entreprise, ils se réunissaient souvent ; de quoi leur ancienne familiarité empêchait de s’étonner. Ils discouraient toujours de la même chose, et pour affermir davantage leur cœur à l’exécution, avec les gaines des poignards qu’ils avaient destinés à cette œuvre, ils se frappaient l’un l’autre dans les flancs et dans la poitrine. Ils discutèrent du temps et du lieu. Dans le château, ne leur paraissait pas sûr ; à la chasse, incertain et périlleux ; pendant que le duc allait en promenade par la ville, difficile et pas faisable ; dans les banquets, douteux : aussi décidèrent-ils de l’assaillir dans quelque cérémonie et fête publique, où ils fussent certains qu’il viendrait, et où sous diverses couleurs ils pussent convoquer leurs amis. Ils conclurent encore que, si pour quelque cause quelqu’un d’entre eux était retenu par la cour, les autres devaient quand même le tuer par le fer et ses ennemis assemblés.

L’an 1476 courait, et la fête de la Nativité du Christ était proche ; et parce que le prince avait coutume, le jour de Saint-Etienne, de visiter en grande pompe le temple de ce martyr, ils décidèrent que fêtait là le temps et le lieu commodes à l’exécution de leur dessein. Le matin de ce jour étant venu, ils firent armer quelques-uns de leurs plus fidèles amis et serviteurs, disant qu’ils voulaient aller à l’aide de Giovannandrea, qui contre le gré de quelques opposans se proposait de détourner dans ses propriétés un aqueduc ; et ainsi armés, ils les conduisirent à l’église, alléguant qu’ils voulaient, avant de partir, prendre congé du prince. Ils firent encore venir en ce lieu sous différens prétextes plusieurs autres amis et conjurés, espérant que, la chose faite, chacun les suivrait dans le reste de l’entreprise. Leur intention était, quand le prince serait mort, de rejoindre ces hommes armés, et de parcourir cette partie de la ville où ils estimaient que le peuple, à cause de la faim dont il souffrait,