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sans exemple, à la destruction de ses ennemis. » Pour une cause ou pour une autre, par inclination naturelle ou par rancune, « il se fit une habitude des cruautés les plus monstrueuses... Outre la chasse, où il ne ménageait rien ni personne, il se livrait à deux genres de plaisirs : il aimait à avoir dans son voisinage ses ennemis, soit vivans et enfermés dans des cages bien solides, soit morts et embaumés, avec le costume qu’ils portaient de leur vivant. Il ricanait quand il parlait des prisonniers à ses confidens ; quant à sa collection de momies, il n’en faisait même pas mystère... La manière dont tous ces faits ont été racontés par Caracciolo et par Porzio fait dresser les cheveux sur la tête. » Le fils aîné de Ferdinand, Alphonse, duc de Calabre, est digne d’un tel père. Comines le proclame sans ambages « l’homme le plus cruel, le plus pervers, le plus vicieux et le plus commun qu’on eût jamais vu ; » et, par surcroît, il est lâche, de cette lâcheté imbécile de certains fauves : « Jamais homme cruel ne fut hardi. »

Jamais ou rarement. Sigismond Malatesta de Rimini était aussi, à un degré inférieur dans la hiérarchie seigneuriale, un fameux compagnon, et son petit-fils Pandolfo, ce « scélérat, souillé du sang de son frère et de tant d’autres, que les habitans révoltés bombardèrent dans son château fort, » ne le lui cédait assurément en rien. La Romagne, du reste, où fleurit et foisonna la tyrannie, devait produire des tyrans d’une rude plante. Ainsi Francesco degli Ordelaffi, de Forli. C’était, à ce que rapporte l’anonyme auteur d’une Vie de Cola di Rienzo, « un perfide chien patarin, rebelle de la Sainte Église. Trente ans il avait été excommunié et son pays interdit sans messe chanter ; il tenait occupées beaucoup de terres de l’Église, la ville de Forli, la ville de Cesena, Forlimpopoli, Castrocaro, Brettinoro, Imola, Gazzolo... Ce Francesco Ordelaffi était un homme désespéré, qui portait aux prélats une haine mortelle et ne pouvait souffrir les prêtres,... un perfide tyran obstiné. » Il chasse de Forli la garnison pontificale, bat, emmène et emprisonne l’archevêque de Ravenne, rase les maisons des chanoines, soulève le peuple contre le Pape, précipite par la fenêtre ceux qui hésitent, et, pour faire sa paix avec le Saint-Siège, accepte d’être son vicaire, moyennant un tribut qu’il n’a garde de payer. Cité à affirmer sa foi, il ne comparaît pas, est condamné au feu comme hérétique et idolâtre. Mais lui, « lorsqu’il entendit les cloches sonner l’excommunication, aussitôt il fit sonner les autres cloches, et excommunia