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et en tous lieux le droit de commander et de décider, comme si la vérité de Dieu n’était pas seulement allumée sur les sommets, l’homme gardant le soin et la responsabilité d’en rechercher et d’en parcourir suivant son jugement individuel les voies d’accès les plus propices ! Ainsi le clergé risque-t-il, par une compréhension inexacte et exagérée de son rôle, de tarir des sources vives de pensée et d’action. Dangereux à un autre point de vue se montrent pour lui la fréquentation et le voisinage des choses éternelles : il est tenté de faire participantes de l’éternité et de l’immobilité les choses passagères, changeantes et susceptibles de progrès. Danger terrible que celui-là, car il risque de montrer l’Église en retard sur des certitudes acquises de l’esprit humain, sur des améliorations sociales définitivement réalisées, sur des conquêtes d’autant plus chères à l’homme qu’elles ont été payées de plus d’efforts !

Et cela, ce n’est pas seulement dans la discipline, ce n’est pas seulement dans les vieux usages de la Cour vaticane, c’est au cœur même de ta pensée catholique qu’on en voit les pernicieux effets. Toutes ces corruptions, Benedetto les indique au Souverain Pontife en le suppliant d’y porter remède ; mais c’est à cette dernière surtout qu’il s’attache, comme à celle qui menace d’arracher à l’Église le plus grand nombre de ses enfans. Le dogme doit par essence et dans son essence rester immuable ; mais le Seigneur ne nous a révélé que la Vérité suprême et, par delà cette vérité, le champ est immense à cultiver dans notre esprit par des moyens purement humains. C’est ainsi que Dieu nous est révélé ; mais l’idée que nous nous en faisons, la représentation que nous en donne notre esprit, la conception qu’en réalise notre intelligence se développent humainement suivant le développement même de la pensée humaine. La Foi est confiée à la science comme son point de départ sur lequel, nous l’avons vu, la science doit s’élever ! Entre l’une et l’autre, l’harmonie ne doit pas cesser, puisqu’elles sont de même essence, et que la science n’est à le bien prendre que le développement et l’illumination de la foi. Or la vérité scientifique est constamment changeante et sujette au progrès. L’Église se renierait elle-même si elle s’arrêtait à l’un des stades de l’esprit humain. N’est-ce pas ce qu’elle fait en répudiant parfois les cosmologies modernes ou les exégèses nouvelles, ou en frappant les écrivains d’esprit hardi qui sont à l’avant-garde de la pensée moderne ? Voilà la