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indispensable que de telles conséquences fussent sanctionnées par les autorités législatives. Mais quel serait le sort d’une loi en cette matière, présentée et discutée au Parlement ?

Au point de vue des usages et relations officiels, les réformistes escomptent trop aisément les difficultés inévitables, résultant de la nécessité d’une entente entre les différens départemens ministériels. Tout le système des concours et des examens, qui ouvrent les carrières dans nos multiples administrations, devrait être profondément modifié : il faudrait donc pour cela le consentement de ces administrations, et spécialement celui de leurs conseils et comités directeurs.

La Commission réformatrice de l’orthographe se borne à affirmer a priori qu’ils ne soulèveraient aucune difficulté. C’est là une opinion un peu risquée, comme le savent tous les membres de l’instruction publique, professeurs, inspecteurs et directeurs, qui ont eu à s’occuper de l’application des programmes d’admission aux grandes écoles gouvernementales, dépendant d’autres ministères, Guerre, Marine, Commerce, telles que l’École polytechnique, l’École de Saint-Cyr, les Écoles navales, l’École centrale, etc. Ils savent quelles résistances et quels conflits ont été rencontrés, toutes les fois qu’il s’est agi de déterminer des règles et accords communs pour unifier les programmes d’admission à ces écoles. De plus graves conflits encore s’élèveraient assurément sur les questions d’orthographe.

Quant à l’assentiment des auteurs, éditeurs, imprimeurs, on ajoute légèrement, et non sans un soupçon de dédain : « Ce sera aux éditeurs de livres classiques, aux journaux et aux imprimeurs de toute espèce, à choisir, au mieux de leurs intérêts, le moment où ils devront changer l’ancienne manière. » C’est là ne pas se douter des difficultés de toute nature qui surgiraient.

C’est oublier tout d’abord la résistance qui éclatera immédiatement du côté des auteurs, écrivains et savans, plus compétens en la matière que la Commission. Ils n’accepteraient certes pas l’imposition de semblables changemens par une commission dont l’autorité scientifique ou littéraire propre serait fort contestable.

Une résistance analogue et plus énergique encore, en raison des intérêts menacés, se produirait de la part des imprimeurs, dont il faudrait refaire l’éducation et peut-être le matériel.