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l’écriture et à la prononciation des mots usités dans l’ancien français, le maintien de certaines graphies, conformes à l’orthographe latine, ou bien encore à la graphie originelle des mots anglais, allemands, bref exotiques de tout genre, introduits continuellement par les fabrications industrielles, et par les nomenclatures systématiques des sciences naturelles, physiques, chimiques et mathématiques. En tout cas, les réformistes les plus sensés ont obéi à la préoccupation de ne pas trop effaroucher les lecteurs, ou bouleverser les usages courans.

Sans nous arrêter à discuter scientifiquement tous ces compromis de détail, attachons-nous au principe général du phonétisme, et cherchons à le définir d’une façon précise.

Le phonétisme peut être envisagé à deux points de vue, essentiellement différens, mais dont la distinction n’a pas toujours été faite par les philologues : le point de vue empirique, fondé sur l’audition, c’est-à-dire purement subjectif ; et le point de vue théorique et objectif, fondé sur la représentation absolue du son, telle qu’elle se présente lorsqu’il est enregistré d’une façon indépendante par les appareils des physiciens.

Au point de vue empirique, la définition de la prononciation repose sur l’opinion moyenne des orateurs et des auditeurs d’une certaine région de la France, Paris, par exemple. On doit ajouter : sur l’opinion des personnes lettrées et cultivées par une éducation convenable, afin d’écarter les déformations du langage populaire et de l’argot.

Or, cette restriction est insuffisante, attendu que la prononciation d’un même mot n’est pas identique dans les différentes régions ou provinces de la France. Au Nord, les natifs de l’ancienne Flandre, de la Picardie, de la Normandie, de la Bretagne, prononcent les mêmes mots avec des nuances parfois fort dissemblables. Il en est de même et plus encore au Midi, où l’accentuation est particulièrement accusée et variable : ce qu’il est facile de constater lorsque l’on compare la façon de parler des gens du Languedoc, Agen, Bordeaux, Toulouse, et Montpellier, entre eux, et avec celle des natifs des régions montagneuses du Plateau central, de la Provence, Aix, Marseille et Nice, même sans parler de la Corse.

La prononciation ne diffère pas moins dans les régions frontières de l’Allemagne, Alsace et Lorraine, et dans le centre proprement dit, réputé plus correct, Ile-de-France, Touraine, etc.