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comment ne l’aurait-il pas été ? Comment aurait-il pu ne pas prévoir que son tour allait revenir ? Il se trouvera d’ailleurs, lui aussi, aux prises avec de grandes difficultés, car la question des congrégations s’impose maintenant aux conservateurs, comme elle s’imposait hier aux libéraux. Ceux-ci l’auraient résolue trop radicalement, ils auraient voulu aller au delà du possible ; les conservateurs resteront peut-être en deçà du nécessaire. Toutefois, il faut espérer. Le parti conservateur s’est discipliné dans l’opposition ; il est aujourd’hui plus uni qu’il ne l’avait été depuis la mort de M. Canovas del Castillo ; M. Maura enfin a gagné en ascendant personnel. Nul cependant ne peut dire ce que sera l’expérience nouvelle. Elle commencera par des élections ; il en est toujours ainsi en Espagne ; et, au surplus, comment le parti conservateur pourrait-ii vivre avec une Chambre qui devait sa naissance au parti libéral, et dont M. Moret avait lui-même proposé au Roi la dissolution ? On sait qu’en Espagne les élections donnent toujours, à peu de chose près, la majorité qu’il veut au gouvernement qui les fait. C’est la suite seule qui est difficile.

Nous souhaitons qu’elle ne le soit pas au ministère nouveau, car, indépendamment de notre amitié pour l’Espagne, nous éprouvons le désir bien naturel d’y voir enfin un gouvernement solide et durable. Nous avons, en effet, des intérêts communs avec elle dans cette affaire du Maroc, où la Conférence d’Algésiras lui a attribué, ainsi qu’à nous, des devoirs particuliers. Comme si nous avions voulu, par un caprice inexplicable, ajouter encore plus d’instabilité à celle que présente l’Espagne et en mettre aussi un peu de notre côté, nous avons changé notre ambassadeur à Madrid, M. Jules Cambon. Heureusement, il a été remplacé par l’homme le plus apte à poursuivre son œuvre, notre plénipotentiaire à Algésiras, M. Révoil. Voilà néanmoins bien des changemens à la fois ! N’est-il pas temps de se fixer ?

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.