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banal. Il semble toutefois que les temps soient proches et qu’à force d’évoquer ces fantômes on leur ait donné une consistance redoutable. Le budget de 1907 mérite le nom de budget d’attente qu’on a appliqué à tant d’autres avant lui : mais à quoi faut-il s’attendre ? On se le demande avec une inquiétude croissante. C’est vraisemblablement de ces questions économiques et liscales que nous aurons surtout à nous occuper dans la période qui va s’ouvrir. Pour le moment, nous avons seulement un mauvais budget de plus.


Les élections allemandes ont eu lieu le 25 janvier : elles ont produit dès le premier tour de scrutin 237 résultats définitifs qui devront être complétés par 160 élections de ballottage. Toutefois, à moins d’un brusque revirement d’opinion qui semble peu probable, et même dans une assez large mesure impossible, — car les socialistes, par exemple, ne compenseront pas les pertes qu’ils ont faites, — le caractère de l’événement peut être dès aujourd’hui considéré comme acquis. Le Reichstag a été dissous le 13 décembre, à la suite du rejet des crédits demandés pour continuer les expéditions coloniales de l’Afrique Occidentale. Le rejet a été dû à la coalition du centre catholique et des socialistes : c’est donc aux socialistes et aux catholiques que le chancelier de l’Empire a jeté le défi et déclaré la guerre. Il la leur a faite avec une énergie extrême, s’efforçant de les compromettre les uns avec les autres, les uns par les autres, et de les présenter en bloc comme des adversaires de l’Empire, ou du moins de son expansion extérieure. Dans une lettre qu’il a écrite le 31 décembre dernier et qu’on a appelée en Allemagne la lettre de la Saint-Sylvestre, et depuis dans un discours non moins retentissant, M. le prince de Biilow a continué de dénoncer catholiques et socialistes au nom du nationalisme et du patriotisme allemands. Il a pris soin cependant de mettre les socialistes au premier rang de ceux qu’il fallait combattre et abattre : en quoi il a montré de la prudence et de la prévoyance, car si les socialistes ont subi sur le terrain électoral un échec extrêmement sensible, les catholiques en sont revenus parfaitement sains et saufs. C’est à peine s’ils ont perdu un ou deux des leurs : encore n’y a-t-il eu là aucun gain pour le gouvernement, les sièges perdus par eux ayant été occupés par des Polonais. Ce n’est donc qu’une demi-victoire ; mais elle porte sur un point si important que la chancellerie impériale a le droit de la célébrer, comme elle le fait d’ailleurs, avec quelque lyrisme. Depuis plusieurs années, le parti socialiste avait acquis à chaque élection des forces nouvelles, et on