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de MM. de Gaultier et Corpechot. Je faisais allusion à des personnages qui, en cette matière, m’intéressent plus que les précédens, parce que moins gens de lettres et plus hommes de science. Il s’agit de quelques survivans de l’école positiviste, esprits distingués, qui ont vu dans la controverse actuelle la revanche du Comtisme sur le transformisme. Pour eux, la fixité vitale est la négation de l’évolution. On se rappelle les objections adressées par Auguste Comte à la théorie de Lamarck, dans ses Considérations philosophiques sur la Biotaxie, et l’attitude intransigeante de Ch. Robin vis-à-vis du Darwinisme. En dépit des chefs du positivisme, l’Evolution a triomphé pendant un temps ; leurs successeurs ont pu croire qu’ils assistaient aujourd’hui à sa ruine. Ainsi, antagonisme ou confusion : en tout cas, point de coexistence simple et de liaison souple entre la fixité vitale et l’évolution. Voilà les conceptions de l’école nouvelle ! Et c’est là le second point sur lequel il me semble que M. Boutroux et moi n’avons point tort,


M. de Gaultier, parlant de sa doctrine qui fait de la fixité vitale le pourquoi de l’évolution, ajoute : « On peut tenter d’infirmer la valeur de cette explication ; on n’en peut contester la nouveauté absolue. »

C’est en effet la valeur de cette explication qui est plus que contestable. Car il est bien évident que la. fixité vitale ne peut rien ou seulement peu de chose pour les problèmes, dont la plupart sont d’ordre mécanique, qui ont préoccupé les évolutionnistes. Que ferait Lamarck de la fixité vitale pour expliquer l’allongement du cou de la girafe, ou l’élévation du héron sur ses pattes, pour rendre compte de la forme du corps, des changemens de la symétrie binaire ou rayonnée, de l’évolution des dix-sept formes de cheval intermédiaires entre le meso-hippus oligocène et l’equus complicatus pleistocène, et de tant d’autres problèmes morphologiques ? La fixité vitale et moins encore l’hypothétique constance du milieu marin originel ne peut être, comme dit M. de Gaultier, le pourquoi de l’évolution morphologique. Et si celle-ci a d’autres facteurs, si elle a d’autres causes, que devient la nouveauté de la thèse nouvelle ? En quoi diffère-t-elle de notre enseignement classique ?


A. DASTRE.