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ne font pas de discours, elles demeurent éloignées des réunions, des meetings, des comités : ce sont des femmes de la société ; elles ne chercheront jamais à être électrices ou éligibles ; même elles ne tiennent pas à le devenir, et les devoirs qui leur incomberaient, si ces réformes se réalisaient, les épouvanteraient ; si l’adultère leur semble naturel, elles ne pratiqueront jamais non plus cependant l’amour libre. Néanmoins, les idées féministes les ont touchées, effleurées : elles en ont emprunté ce qui leur a paru le plus commode et le plus agréable : une certaine liberté d’allures et de langage, une certaine affectation de « garçonisme » jusque dans le costume, une certaine tendresse pour les théories antireligieuses et révolutionnaires, une indulgence illimitée pour les pires faiblesses de l’amour, enfin une passion peut-être exagérée des sports, toutes choses que nos mères et nos aïeules ignoraient : ce qui ne les empêchait pas d’être spirituelles, jolies et bonnes, de savoir causer, et de posséder une excellente santé.


Il est des femmes qui ont fait moins de bruit, et plus d’ouvrage, et qui continuent, mais il ne convient pas de les appeler des féministes. C’est un terme équivoque, suspect, qui éveille la défiance et qu’elles repousseraient. Elles ne travaillent pas pour elles ; ce n’est pas un intérêt personnel qui excite leur activité et guide leurs efforts, mais seul l’intérêt des autres, hommes, femmes ou enfans ; elles ne se soucient pas qu’il leur soit permis un jour de voter, ou bien d’être éligibles, ou bien de changer le mariage en une union capricieuse et inconstante ; elles ne s’efforcent pas d’embrasser sur cette terre le plus possible de bonheur égoïste : elles tentent uniquement de réparer les injustices du sort, de rapprocher des classes que séparent les conditions de la fortune et les inégalités de la vie, de diminuer les souffrances. Sans être le moins du monde des rétrogrades, elles ne sont ni antireligieuses, ni révolutionnaires, et veulent reconstruire au lieu de détruire, tout en s’inspirant des nouvelles nécessités de l’évolution moderne. Loin de créer et de cultiver un antagonisme entre la femme et l’homme, elles veulent qu’ils s’unissent tous deux pour combattre les maux de la société. Loin de vouloir rendre plus fragiles et moins nombreux les liens de la famille, au point de la supprimer, elles croient que la famille est la base même d’une patrie civilisée. Rien de commun entre cette action féminine qui est sociale, dans le sens le