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que les rapports avec Vienne devenaient de plus en plus difficiles, on sentait, à Budapest, le besoin de se rapprocher d’Agram (Zagreb) et d’oublier les amers souvenirs de cette année 1849 où les Croates, conduits par leur ban Jelachitch, vinrent à la rescousse des Habsbourg et prirent à revers la Hongrie patriote. Les Slaves de Croatie, tenus en étroite lisière par leurs bans envoyés de Budapest, commencèrent à respirer et l’on vit, au printemps dernier, un fait jusqu’alors inouï : d’après les instructions de MM. Weckerlé et Kossuth, les élections se firent à peu près librement dans un grand nombre de circonscriptions et surtout dans les villes. Le résultat fut foudroyant : l’ancien parti de l’oppression ou parti Magyaron qui soutenait le ban Pejacevitch, se trouve réduit, dans la nouvelle diète d’Agram, à trente-quatre membres ; la majorité passe à une coalition de partis favorables, avec certaines nuances, à l’opinion résolutionniste, c’est-à-dire partisans de la politique définie dans la Résolution de Fiume. De Trieste et de Cattaro jusqu’au-delà du Danube, un immense cri de joie retentit : la Croatie fêtait sa délivrance ! À Belgrade, on partagea l’allégresse des frères slaves et, spontanément, des drapeaux parurent aux fenêtres. À ces nouvelles, un frémissement d’impatience passa sur les populations croates de Dalmatie et s’étendit jusque chez les Slovènes de Carniole et de Carinthie ; les uns comme les autres aspirent à plus d’autonomie et se demandent pourquoi le hasard des traités ou des partages les a rattachés à l’Autriche tandis que la grande masse des Croates constitue le royaume de Croatie-Slavonie, rattaché à la monarchie hongroise. Tout le groupe des Slaves du Sud est en effervescence ; des courans, encore parfois indécis sur leur