Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/642

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passagers, et l’on ne peut présager un rétablissement. C’est une grande désolation dans cette maison, une des plus ouvertes aux étrangers. Il avait maintenant ce qu’il voulait et qu’il avait attendu si longtemps. C’est lorsque les bulles de savon se parent des plus brillantes couleurs qu’elles sont prêtes à éclater. »


Six mois après, le 4 juillet 1810, Joseph de Maistre revient sur cette affaire d’Avaray-Puisaye : « Depuis longtemps, mon très cher comte, Mme la princesse de Tarente m’avait dit que le duc d’Avaray avait éprouvé un très grand chagrin ; mais je ne savais de quoi il était question, et je n’avais reçu aucune lettre devons, de manière que j’ai tout appris par l’exposé que M. le duc d’Avaray vient de me transmettre par la voie du comte de Brion. Il est aisé de se former une idée nette de cette affaire et de l’exprimer en deux mots. Ce sont des torts qui ont produit des crimes. On voit clairement que M. d’Avaray s’est tout permis dans le genre du blâme et même de l’insulte. L’autre (le comte de Puisaye), profondément ulcéré, s’est rendu criminel, ce qui ne peut jamais être excusé. Je ne saurais vous dire à quel point j’ai été révolté de ces accusations horribles, autant qu’absurdes, insensées, contre votre ami. Quel fond épouvantable de méchanceté et d’impudence ! Mais, au nom de Dieu, mon cher comte, comment est-il permis d’imprimer tout cela librement ? Et comment l’accusé est-il obligé de tenir sa défense sous le séquestre ? Je ne puis comprendre cette liberté de la presse.

« Je savais depuis longtemps que vous étiez chargé des affaires. Plût à Dieu que vous l’eussiez toujours été ! Il y aurait eu de grands scandales de moins, entre autres celui-ci. Que vous dirai-je ? rien. C’est plus tôt fait, et il est pour le moins inutile d’entrer dans de certains détails. Jamais je n’ai cessé un instant de m’occuper de vous, de m’informer, de réfléchir, etc. Quel calice il faut boire jusqu’à la lie ! Voilà ma réponse au duc. Qui sait où elle le trouvera ? Je vous ai écrit, je ne sais combien de fois ; mais jamais je n’ai reçu une ligne de vous, ce qui m’a entièrement dégoûté. Je suis fort éloigné, cependant, d’accuser votre amitié. Je vois seulement que ce n’est pas moi qui décacheté les lettres que vous m’écrivez, ce qui me semblerait cependant tout à fait juste.

« Comment parler des affaires publiques ? Comment digérer ce que nous avons vu ? Il vaut infiniment mieux n’en pas