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qu’il faut soigneusement éviter ? Voilà, mon très cher comte, l’humble demande que je vous prie de m’octroyer, le cas échéant. (Dites que j’ai oublié les termes propres.)

« Je voudrais bien savoir aussi comment vous êtes là dans cette Bretagne grande. J’ai de grands doutes sur ce point. Combien d’obstacles de tous les genres sous les pas de votre auguste maître ! Mettez de nouveau mon hommage à ses pieds, si vous croyez qu’il en vaut la peine. Aujourd’hui, je ne puis plus plaider sa cause devant ceux qui pouvaient la faire vaincre. Mais, c’est égal, disons toujours et allons toujours. Une fois peut-être le bon grain semé germera. Que de choses vous devez voir là où vous êtes, et que j’aurais grand besoin de m’en retourner encore quelquefois avec vous dans la même voiture, dussé-je me faire encore quelques bosses à la tête !

" Au premier jour, nous attendons le roi et la reine de Prusse. Ils ne veulent point retourner à Berlin sans venir remercier leur bienfaiteur chez lui[1]. Prenez bien garde, monsieur le comte, de croire cela au pied de la lettre. De son côté, ce cœur tendre et délicat qui est à Burgos (et peut-être, hélas ! plus loin) ne manquera pas de croire qu’il s’agit uniquement de remercier. En attendant, Caulaincourt[2] ne se gêne pas et témoigne à table combien ce voyage lui déplaît. Certainement, il se serait jeté au travers si ce n’était la crainte de choquer le nouvel ami avant qu’il n’y ait plus de mesures à garder. Je vous laisse à penser si la belle Reine[3] tanto inviperita saura parler ici au maître ; nous Verrons ce qui en résultera. Rien probablement, quoique je m’en fie du reste aux femmes pour faire ce que tous les hommes d’Etat réunis ne feraient pas ; mais, dans ce cas, je doute. L’Empereur a paru triompher du service important qu’il a rendu à son ami ; mais vous voyez assez à quoi il se réduit. Buonaparte accorde ce qu’il aurait fait de lui-même ; il a besoin de ses troupes ailleurs ; il change une nécessité en acte de clémence impériale et il garde des citadelles ; voilà tout. On a fait en Allemagne une épigramme où il est dit que les mouches espagnoles ont attiré tout le venin de l’Allemagne (vous observerez que les cantharides s’appellent en allemand mouches espagnoles).

  1. On sait qu’à Tilsitt le tsar Alexandre plaida avec ardeur auprès de Napoléon pour empêcher l’entière destruction du royaume de Prusse.
  2. Le général de Caulaincourt, ambassadeur de Napoléon.
  3. La reine Louise de Prusse.