Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/609

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ces deux causes de déchet, incapacité ancienne, infatuation moderne, agiront de même an regard de la postérité, pour réduire à un petit nombre les œuvres qui lui parviendront.

Mais le haut prix des tableaux et des statues, s’il est sans conséquence directe pour la peinture et la sculpture, en a une indirecte sur les productions du meuble ou de l’habitation. De mille objets, communs et vulgaires par destination, où nos pères mettaient des idées et de la grâce, l’art semble aujourd’hui s’être retiré. L’originalité du moins, puisqu’en ce genre nous n’avons rien créé. Est-ce parce que nous embrassons tous les styles d’un égal amour, parce que nous interrogeons obstinément le passé et que l’éclectisme, qui meuble le magasin de la mémoire, vide celui de l’invention ?

Cela ne tient-il pas plutôt à ce que les perspectives d’opulence ouvertes aux peintres et aux sculpteurs, dont la carrière est à la fois plus noble et plus fructueuse, ont fait déserter aux praticiens géniaux dans leur métier l’étude des bois, des bronzes, des fers ou des marbres, appropriés au mobilier et au bâtiment, où tant de maîtres jadis excellèrent ? La disparition de la classe des artistes-artisans et l’épuisement de la sève individualiste dans cette branche secondaire, sont peut-être le résultat de la mobilisation ascendante vers le temple du grand art de tous ceux qui ont quelque don pour les arts manuels. La plupart, hélas ! se morfondent toute leur vie sous son péristyle sans y pénétrer jamais.


Vte G. D’AVENEL.