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chaque année des acomptes variables, suivant l’avancement de leurs travaux, sur les groupes et statues dont ils étaient chargés pour Versailles, Marly et autres résidences royales. Un Bacchus, d’après l’antique, en marbre (1714), fut payé 14 400 francs à Coysevox, Pigalle et Houdon reçurent de moindres sommes sous Louis XV.

Le mieux traité, sous Louis XIV, fut un homme de l’art promu fonctionnaire, Mansard, surintendant des bâtimens du Roi, qui cumulait à l’époque de sa mort 170 000 francs d’appointemens. Les simples architectes sous ses ordres gagnaient de 3 000 à 8 000 francs. Gabriel, le créateur de la place de la Concorde, reçut pour exécuter ses plans (1755) un traitement de 17 800 francs qu’il conserva jusqu’à sa mort.

Un élément de recettes jadis inconnu, le « droit de reproduction, » contribue de nos jours à accroître le gain des artistes. De toutes les propriétés, la plus récente est celle des créations de la plume, du pinceau ou de l’ébauchoir. Les hommes du moyen âge s’étaient partagé mille choses qui ne sont plus susceptibles de possession individuelle : ils s’étaient approprié des fleuves qui traversaient leurs domaines, des biens d’étrangers qui décédaient sur leur fief, des forêts dont ils ignoraient la contenance ; les hommes de la Révolution avaient annexé au guéret de chacun le gibier de poil et de plume qui s’y rencontrait sur terre ou dans l’air ; mais nul ne s’était avisé que l’artiste ou l’écrivain dût être propriétaire de ses images ou de ses idées.

Aujourd’hui, le « sculpteur » qui fabrique en une matière élastique des figures destinées à servir de jouet, dites « grimaces parisiennes, » représentant la tête de personnages connus dont la physionomie se modifie sous la pression de la main, est protégé par la loi du 19 juillet 1894, plus que ne l’étaient pour leurs chefs-d’œuvre Houdon, Pigalle ou Coysevox. Nos statuaires et graveurs modernes ont tiré de ce droit de reproduction un parti plus important que les peintres. Ils l’ont d’abord vendu à des fabricans d’objets d’art moyennant une somme fixe qui, jusqu’à 1860, ne dépassa pas 8 000 francs.

Maintenant, lorsqu’ils n’exploitent pas eux-mêmes leur privilège, ils en concèdent l’usage à des éditeurs, qui leur paient un droit proportionnel sur chaque exemplaire de ces réductions en bronze ou en marbre. Depuis vingt-cinq ans, la maison Barbedienne a payé, de ce chef, 3 millions de francs aux auteurs qui