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pour chacune de ses œuvres. Une fois seulement, au temps de sa faveur, ses portraits du prince de Portugal lui furent payés le double. Van Coxcie touchait en Angleterre 567 francs pour un portrait de la reine Elisabeth et 390 francs en Flandres pour celui de Philippe II. Quant aux tableaux de genre ou d’histoire, ils atteignaient rarement le prix des portraits : Breughel le Vieux (1520-1569) n’obtint pas pour ses toiles plus de 162 francs, et le premier des Porbus reçut 260 francs pour la peinture et dorure des portes du grand-autel de Bruges, de 1m, 60 de hauteur, représentant l’Annonciation et la Naissance du Christ.

Si les maîtres illustres de l’Italie, de la Flandre ou de l’Allemagne, dont les noms ont traversé les siècles, gagnaient aussi peu au regard de nos peintres contemporains, le salaire des Français inconnus qui, du moyen âge à la Renaissance, manièrent le pinceau doit être fort modique. La peinture d’une litière fut cependant payée 3 100 francs en 1372, au poids de l’or sans doute, de l’or fin qui entrait dans sa décoration. Une toile, donnée à la cathédrale de Chartres par le sire de la Trémoïlle (1396) lui coûta 964 francs ; mais dans cette même ville, à la même époque (1405), un « grand tableau où il y a un crucifix » n’est payé par l’hospice que 42 francs, et plus tard, à Chartres toujours (1467), « pour avoir peint Saint Jacques, Saint Denis, Saint Liénard, Saint Lubin et une petite Notre-Dame, » on donne à l’artiste 60 francs.

L’image seule de Saint Jacques, sur toile, coûtait à Paris 235 francs dans l’hôpital placé sous son invocation (1319) ; elle fut remplacée, pour cause de vétusté peut-être, au bout de 250 ans (1572), par une autre peinture de ce saint qui ne coûta que 130 francs. L’hospice de Soissons fait marché, en 1471, avec un maître local qui se charge de « reblandir » le plafond et les murs du réfectoire et d’y peindre la Cène, le Crucifiement et plusieurs saints, le tout pour 114 francs. La municipalité de Grenoble fait peindre un Crucifix (1520) dans la Chambre de ses délibérations pour 117 francs. C’était un bon prix : un tableau d’autel, pour l’église de Mézières, vaut 84 francs ; une Notre-Dame de la Pitié, à Paris, vaut 60 francs (1553), un peu plus qu’une enseigne d’hôtellerie à Nîmes qui se paie 39 francs (1592). A vrai dire, on ne sait si ces toiles, quel qu’en fût le sujet, n’étaient que de la « peinture d’enseignes, » ou si les enseignes d’alors rivalisaient avec la grande peinture.