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Jean Hosemant, de Tournai, travaillant pour le pape à Avignon (1430), aura droit à 3 mesures de vin, 6 miches de pain, un bon plat de viande, des œufs ou des légumes.

Michel-Ange et Léonard de Vinci furent ainsi payés au mois, 645 francs chacun, — et quand ils manquaient on leur décomptait le temps perdu, — pour peindre les cartons de la bataille d’Anghiari et de la guerre de Pise. Vingt et un francs par jour était aussi ce qu’allouait Antonio Moro à Buecklaer, quand il avait recours à sa collaboration. De moindres artistes, — tel celui qui fit à Venise la mosaïque de la chapelle Chigi à Sainte-Marie-du-Peuple (1520), — se contentaient de 86 francs par mois, avec pain, vin, huile et sel à discrétion, un habit neuf par an et l’œuvre achevée, au bout de quatre ans, une gratification de 8 600 francs. C’est à peu près la journée de 12 francs d’un peintre de tableaux à Dijon, en 1521, et le traitement de 3 100 francs par an du peintre de l’archiduc-roi d’Espagne, à Arras (1501). Plus tard, ce mode de rétribution cessa d’être en usage, sauf pour des travaux collectifs et de métier, comme la restauration des peintures de la grande galerie de Fontainebleau, où les peintres occupés sous J.-B. Vanloo, au temps de Louis XV, touchaient 16 fr. 70 par jour.

Par le prix des journées, rapproché de celui des travaux exécutés, on peut augurer de leur importance, du personnel et du temps qu’ils exigeaient ; en 1296, les peintures murales de son hôtel, à Paris, coûtèrent à la comtesse d’Artois 24 000 francs ; et les sujets chevaleresques, brossés tant à l’huile qu’à la celle au plafond et sur les murs d’une grande salle du château (1307), furent payés par elle 5 860 francs. .La peinture d’un simple tabernacle à Notre-Dame de Boulogne (1329) revint presque aussi cher. Le fait peut tenir à la différence des matières premières, et notamment à l’emploi de l’or et du bleu d’outremer, seules fournitures que le peintre du moyen âge ne prenait pas à sa charge.

Toujours il stipulait, dans les contrats où le prix de son œuvre était fixé d’avance, que ces substances précieuses seraient fournies par qui commandait le tableau. Philippe II, pour une copie de l’Adoration de l’Agneau de van Eyck, qu’il fit faire par Michel Coxie, paya 825 francs le bleu d’outremer que Titien lui avait envoyé d’Italie. Les couleurs ordinaires étaient, à proportion, plus rares et plus chères que de nos jours : on ne s’étonne