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aucune atteinte[1]. » A Luzarches, comme deux partis cherchaient à s’arracher l’église, « le maire s’est conduit avec prudence, et voyant qu’aucun des deux ministres n’était doué de l’esprit de paix et de conciliation nécessaire à la tranquillité d’une commune, a ordonné la clôture du temple jusqu’à ce qu’il se présente un sujet dont les intentions pacifiques, la soumission aux lois et l’attachement au gouvernement ne soient pas équivoques[2]. »

Bonaparte ne voulait point de ces interventions subalternes ; il fera bientôt défense aux préfets de se mêler de « toutes ces discussions religieuses[3]. » C’est à lui seul qu’il réservait le droit d’intervenir, à son heure et en grand. L’idée d’un large édit de réunion, d’un acte à la fois autoritaire et transactionnel qui deviendrait entre ses mains un puissant moyen d’ordre, de pacification et de gouvernement, s’établissait certainement dans sa pensée. Mais les temps n’étaient pas mûrs. D’ailleurs, pour fondre toutes les nuances du catholicisme français et les réduire à l’unité, il avait besoin de s’adjoindre un concours à la fois immatériel et décisif. Cette grande alliance, il lirait tout à l’heure chercher en Italie, au-delà des monts, en même temps que la victoire confirmative de son pouvoir matériel. En attendant, comme il veut contrarier le moins possible le vœu de la majorité, comme il entend se rallier les catholiques urbains et l’immensité des campagnes, il rend au culte traditionnel une certaine liberté de fait. Il tire le catholicisme d’un état intolérable d’oppression et de torture, mais ne permet pas encore son ascension à la liberté complète, à la pleine lumière. Il tient le catholicisme dans les limbes. Sa politique est de laisser fléchir les lois de persécution qu’il se garde encore d’abroger par ménagement pour les révolutionnaires. En matière de cultes, entre la première période du Consulat et l’époque précédente, la différence est moins dans la législation que dans la façon de l’appliquer, dans la manière, dans l’intention, car le Directoire avait prétendu détruire la religion et Bonaparte voulait s’en servir.

  1. Bibl. nationale, fonds français, 1161.
  2. Ibid.
  3. Correspondance de Napoléon Ier, VI, 5024.