Il y avait à la fois renaissance et anarchie religieuse. La poussée se faisait en désordre, par élans divergens. Toute sorte de cultes coexistaient en France, à l’état inorganique. A côté de groupes restreints, calvinistes, luthériens, juifs et théophilanthropes, l’Église constitutionnelle s’efforçait de rassembler ses débris, et la masse des catholiques d’obédience diverse, à peine libérée, apparaissait désunie.
Ces catholiques voulaient tous la religion ; ils la voulaient immaculée, mais différaient d’opinion sur la qualité de ses ministres. Que de variétés de prêtres prétendaient à la conduite des âmes, s’autorisant de motifs divers ! Parmi les pasteurs qui avaient enduré la torture et l’exil, sans jamais pactiser avec l’erreur, et qui portaient les glorieux stigmates de la persécution, on vénérait des saints, dont le front s’ornait de la couronne d’épines, et ceux-là semblaient vraiment en communion avec les martyrs qui dormaient sous la terre. D’autre part, combien de prêtres restés en France au prix de certaines concessions, échappés aux rigueurs extrêmes, avaient déployé discrètement un zèle admirable. Chez le peuple livré à la Révolution, ils avaient conservé la foi, entretenu la lueur sacrée, ravivé l’étincelle. Indépendamment des prêtres qui avaient refusé tous les sermens et de ceux qui les avaient prêtés tous, on en voyait qui avaient refusé les uns et prêté les autres, distingué entre les sermens religieux et les engagemens politiques ; des prêtres qui avaient rétracté leurs sermens ou qu’on supposait les avoir rétractés, des prêtres d’état indéfini, des prêtres de couleur tranchée et d’autres de nuance indécise. Entre tous, à qui se fier et à quoi reconnaître le signe d’orthodoxie ? Tout était entre eux sujet de suspicion et de reproche, la façon dont ils s’étaient comportés pendant la Révolution, la façon dont ils agissaient présentement et le lieu même où ils officiaient. Les ministres rentrés excitaient parfois le peuple contre les ministres restés. Les prêtres de chapelle voyaient de mauvais œil les prêtres d’église, qui s’accommodaient de voisinages odieux, et la dispute établie au sujet de la promesse dominait maintenant tout le débat.
Les ecclésiastiques soumis et leurs adhérens, les promissaires, étaient taxés de faiblesse par les insoumis, qu’ils accusaient à