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des opinions religieuses en France. D’après cette topographie des croyances, d’après la teinte plus ou moins foncée en catholicisme qu’accuse tel ou tel département, il dose et mesure les franchises accordées. D’après un rapport royaliste, « Bonaparte, qui n’est pas un sot, proportionne ses mesures au caractère de ses sujets, et il n’y a peut-être pas trois départemens où les lois sur la religion et les prêtres s’exécutent d’une manière uniforme[1]. »


III

Dans toute la France, sous les entraves qui subsistent en beaucoup d’endroits, le réveil catholique se fait sentir et perce. Les administrateurs sont à peu près unanimes à signaler un afflux de peuple aux cérémonies. S’ils visitent les majestueuses cathédrales, occupées par les constitutionnels, ils n’aperçoivent que de rares fidèles, perdus dans l’ampleur des nefs. Dans les oratoires où les catholiques officient, la foule s’entasse et ne trouve pas toute à se loger ; elle déborde sur la rue. Les oratoires foisonnent ; Paris voit de mois en mois s’augmenter leur nombre. En Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, où les prêtres ont signé la promesse, le culte se reconstitue spontanément dans presque toutes les communes.

Dans les départemens mêmes qui restent pays de rigorisme révolutionnaire, des curés catholiques sont çà et là redemandés, rappelés, accueillis avec des effusions touchantes. Ils forment autour d’eux des centres de prière et de dévotion, des groupes pratiquans, des îlots pieux, pareils à ces chrétientés que nos missionnaires ont fondées dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, en terre d’infidèles. Quelques prêtres se font eux-mêmes errans missionnaires, passent alternativement d’une localité à l’autre pour subvenir aux besoins de la vie religieuse. Un prélat rentré avant Fructidor, Mgr d’Aviau, se risque et réussit à faire une tournée pastorale dans l’Isère ; dans les montagnes de l’Ardèche, il fait des ordinations dans la grange d’un presbytère. Lorsque les prêtres manquent, le peuple supplée comme il peut à leur absence. Dans l’Aude, les paysans demandent à pouvoir s’assembler au moins dans l’église pour prier en commun, pour

  1. Archives de Chantilly.