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philosophique » faite à l’occasion de la fameuse comète qui avait paru l’année précédente et pour combattre le préjugé, encore assez répandu alors, que les comètes sont des signes de malheur. D. entre en ligne, en même temps que l’auteur des Pensées sur la Comète. N’est-ce pas œuvre pie que de « combattre les préjugés » et ceux notamment dont le paganisme défunt a laissé par derrière lui une si encombrante survivance ? Fontenelle s’y consacrera résolument dans son opuscule sur l’Origine des fables et surtout dans l’Histoire des Oracles (1687). S’il avait dû, l’année précédente, pour éviter la Bastille, désavouer sa Relation de l’île de Bornéo et donner l’exemple de ces palinodies que lui empruntera Voltaire, il ne saurait cette fois courir le risque de pareils désagrémens. Dénoncer les erreurs ou les supercheries des païens, quoi de mieux intentionné ? Et n’est-ce pas prendre les vrais intérêts du christianisme, que de soutenir que les démons n’ont point été les auteurs des oracles ? Fontenelle y travaille avec allégresse. A la faveur d’un si ingénieux détour, il peut librement faire le procès à toute espèce de merveilleux. Le fait est que la croyance au prodige est tout uniment un effet de l’ignorance et que la même ignorance produit à peu près les mêmes résultats chez tous les peuples. « C’est par cette raison qu’il n’y en a aucun dont l’histoire ne commence par des fables, hormis le peuple élu, chez qui un soin particulier de la Providence a conservé la vérité. » Restriction fort opportune ! dont pourtant il se pourrait que l’effet salutaire fût atténué par ce trait placé à la fin de la dissertation sur l’origine des Fables : « Tous les hommes se ressemblent si fort, qu’il n’y a point de peuple dont les sottises ne nous doivent faire trembler. » C’est cette thèse qui sera reprise dans l’Histoire des Oracles, appuyée d’un luxe de preuves, d’une profusion de textes, et illustrée de récits malicieux : l’anecdote de Thamus qui, sur son vaisseau, entend une voix lui annonçant que le grand Pan est mort ; celle de la dent d’or de l’enfant de Silésie ; et celle encore de Papirius et des poulets sacrés. Ce sont là, comme le remarque justement Garat, « les premiers exemples de ce ridicule gai, à la fois, et terrible » dont l’incrédulité du XVIIIe siècle se fera une arme et qui deviendra l’ironie voltairienne. Si la croyance au merveilleux est, par un de ses aspects, un effet de la crédulité, ‘elle est d’autre part une invention de l’imposture. Fontenelle habitue son lecteur à entendre parler de la fourberie des prêtres et de leur complaisance vis-à-vis du Pouvoir. Ajoutez le discrédit répandu sur toute espèce de dogme, qui pourrait bien n’être qu’une sottise forte de son ancienneté : « Quelque ridicule que soit une pensée, il ne faut que trouver moyen