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sociétaires des Abris. Peut-être me suis-je trop avancé : en réalité les sociétaires des Abris paient une cotisation annuelle, — exactement comme les membres du Jockey ou du Cercle agricole. Cette cotisation est seulement moins élevée : 10 centimes par an.

Moyennant ces dix centimes, le sociétaire des Abris a le droit d’entrer à toute heure dans la maison commune ; il y est toujours le bienvenu ; il y peut « palabrer » avec les camarades, s’informer des cours, traiter les affaires du syndicat, là où existe un syndicat, écouter des chansons au sortir d’une conférence sur l’hygiène ou, s’il possède une belle voix, monter lui-même sur l’estrade et régaler l’assistance d’un pittoresque refrain de gaillard d’avant.

On traite de tout et on cause de tout à l’Abri, sauf de religion et de politique. C’est la seule restriction apportée par les fondateurs ; ceux-ci, — et il les en faut sincèrement louer, — n’ont même pas voulu paraître dans la formation et la composition des comités directeurs ; les membres de ces comités, ce sont les marins eux-mêmes qui les élisent et ils les doivent choisir dans leurs rangs. « Ne peuvent être membres du comité, dit un article des statuts, que les marins-pêcheurs en exercice ou retraités. » Excellente méthode pour éveiller chez ces grands enfans l’esprit d’initiative, les forcer à faire l’apprentissage du gouvernement collectif ! L’Œuvre de la côte bretonne n’a évidemment pas accompli du jour au lendemain ce miracle de convertir à la sobriété une armée de 17 000 piliers de cabaret. Encore a-t-on pu constater, depuis que les Abris sont fondés, un relèvement sensible de la moralité des pêcheurs sardiniers. Retenons précieusement, — entre tant de témoignages que j’en pourrais donner, — la confidence mélancolique d’une débitante du Passage-Lanriec à M. Austin de Croze : « Depuis huit mois que l’Abri est ouvert, j’ai perdu plus de 1 000 francs ! » Telle est