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acheteuses, c’est-à-dire chargées de recevoir et de compter les panerées de 200 sardines apportées par les mousses. Mais la plupart se contentent d’étêter les sardines, de les vider, puis de les jeter dans des cuves de saumure, d’où elles les retirent au bout d’une heure pour les laver et les faire sécher à l’air libre, sur des grils en fil de fer. Ce bain de soleil communiquera au poisson la rigidité nécessaire. Après quoi on le plongera dans l’huile bouillante, puis on procédera à sa mise en boîte : assises en rangs parallèles le long des établis, les friteuses, méthodiquement, disposent dans leurs cercueils en fer-blanc les petits cadavres argentés. Il ne reste plus qu’à livrer la boîte au soudeur qui assurera sa fermeture hermétique.

Dans les années moyennes, à cette besogne, les friteuses peuvent gagner jusqu’à 400 francs. Mais, dans les mauvaises années, leur gain tombe à 25 francs, à 13 francs (chiffres d’Audierne et du Guilvinec pour 1902). Beaucoup de sardinières, par surcroît, viennent de l’intérieur des terres. Elles y retournent, la saison terminée. Leur maigre salaire, l’incertitude de la pêche les exposaient jusqu’ici à tous les hasards d’une vie misérable, loin du foyer natal. J’ai vu de ces pauvres filles, à Douarnenez, qui passaient la nuit sur le môle, en plein air, serrées les unes contre les autres, comme des perdrix à la poudrée, sans autre abri que le parapet… C’était au cœur de l’été sans doute. L’air était tiède, le ciel étoilé. Mais il y avait aussi des nuits où le vent de mer et la pluie, faisaient rage. Quoi ! disait-on, à défaut de chambre, pas un dortoir, pas même un hangar où se mettre à couvert des intempéries de la saison ! Et dans quel granit sont donc taillées ces parias de l’industrie sardinière pour résister à un pareil régime ? Quelques usiniers charitables leur ouvrirent enfin des refuges. Premier progrès. Le décret du 28 juillet 1904 en réalisa un second, quand il détermina les conditions d’hygiène où doivent se trouver les locaux affectés au couchage du personnel dans les établissemens visés par la loi du 12 juin 1893 : ces locaux « doivent » être largement aérés et munis de fenêtres et autres ouvertures à châssis mobiles donnant directement sur le dehors ; si ce sont des dortoirs, ils « doivent » avoir une hauteur moyenne de 2m,60 au moins ; le sol « doit » en être formé d’un revêtement imperméable, les murs peints à la chaux une fois par an et recouverts d’un enduit permettant un lavage efficace ; la literie « doit » être maintenue dans un état constant