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III

Le pis est, nous l’avons dit, que cette rogue coûte extrêmement cher. Il y a rogue et rogne sans doute : la rogue de morue, la rogue de hareng, la rogue de maquereau, etc. Dans les rogues de morue mêmes, fabriquées avec le contenu des ovaires et des intestins de ce poisson, il faut distinguer les rogues norvégiennes, américaines et françaises.

La valeur marchande de ces rogues, comme leur qualité, est très variable. De 1885 à 1902, les prix de la rogue norvégienne, particulièrement, n’ont pas cessé de s’élever. On en a vu les raisons plus haut : 1° exigences nouvelles de la poche (3 500 bateaux) ; 2° achats espagnols. Pour comble de malchance, en même temps que les besoins de la consommation augmentaient, la production norvégienne tombait insensiblement de 41 000 à 28 000 barils (chiffre donné par M. Landrieu). Les marchands de Bergen ne sont guère plus de six ou sept, fortement syndiqués et qui se savent les maîtres du marché : il n’est point à croire dans ces conditions qu’ils ramènent jamais leurs prix aux moyennes d’il y a vingt ans (36 francs). La rogue américaine de Glocester, dont on se sert depuis 1903 à Camaret et à Morgat, aurait donné de bons résultats ; mais son prix de revient, à cause de l’élévation du fret et des droits de douane, ne serait pas inférieur de plus de 10 francs à celui de la Bergen de troisième qualité qui lui demeure préférable. La rogue française, qui bénéficie à l’importation d’une prime de 20 francs par 100 kilogrammes, nous arrive d’Islande et de Terre-Neuve. Par malheur, les goélettes qui l’apportent ne rallient la France qu’en septembre ; cette rogue n’est donc utilisable que l’année suivante ; sa production est du reste insuffisante et on lui reproche avec raison d’être « trop légère, de ne pas couler assez vite. » Reste la rogue de hareng et de maquereau[1], de production trop restreinte aussi, dont la première, vendue 30 francs le baril, est d’une préparation trop souvent défectueuse ; dont la seconde, beaucoup plus appréciée, mériterait qu’on en développât la fabrication.

En attendant et de l’avis des intéressés eux-mêmes, la rogue norvégienne l’emporte sur toute la ligne et nos pêcheurs restent

  1. La rogue de maquereau est surtout employée par les Vendéens.