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environ 40 000 travailleurs de la mer et les familles de ces travailleurs sont menacés dans leur gagne-pain : voilà le fait brutal. Et je sais qu’il a des précédens. La crise dont nous souffrons n’est que la répétition, — en pire, — des crises de 1860 à 1863 et de 1879 à 1887. En 1887 particulièrement la fabrication courante des produits de qualité moyenne fut bien près de sa ruine. Elle se releva par la suite, mais elle y eut quelque peine.

Il n’est point sûr qu’elle ait la même chance cette fois-ci.

I

La cause principale de ces crises, qui sévissent périodiquement sur notre industrie sardinière, réside dans l’extrême irrégularité du rendement de la pêche. Plusieurs années se passent quelquefois, nous venons d’en donner des exemples, sans qu’on revoie la sardine dans nos baies. Pourquoi ces fugues soudaines, suivies de ces brusques retours ? On ne sait trop. Il n’est même pas prouvé que la sardine émigré et il se pourrait fort bien qu’elle se bornât à prendre ses quartiers d’hiver dans les grandes profondeurs du large.

Entre les écailles des premières sardines capturées en mai, on a pu observer « la présence, soit de vase, soit de petites éponges, soit de crustacés minuscules. » M. Portier, après Pouchel et avec MM. Giard, Bouchon-Brandely, Biétrix, Fabre-Domergue, de Seilhac, etc., se croit autorisé à en conclure qu’au moment de sa disparition, « la sardine n’émigre pas vers les pays chauds, mais qu’elle reste sous la même latitude, gagnant seulement, soit la haute mer, soit les profondeurs, d’où elle revient ensuite au fur et à mesure que la température s’élève sur nos côtes[1]. » Tout au moins semble-t-il que les variations atmosphériques, qui n’ont aucun effet sur la sardine méditerranéenne, laquelle se pêche hiver comme été, exercent une action sensible sur la sardine vendéenne et bretonne : si la température marine tombe au-dessous de 12° C., cette sardine s’engourdit et ne « travaille » pas. Il semble bien aussi que les vents de terre prolongés chassent le poisson, tandis que les vents de mer le ramènent ; qu’un certain calme des eaux lui est nécessaire ; qu’il se dirige de préférence vers les baies où le plankton abonde. Mais ce ne

  1. Conférence faite à la Sorbonne, par M. Portier, de la Faculté des Sciences, le 4 février 1904.