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Intime promenoir aux moites paysages !
Pour en goûter le charme et les grâces sauvages,
Il est bon d’y venir par un matin d’été.
L’aube mouille la prée ; on se croit transporté
Au pays d’Arcadie ou de Tempé la fraîche.
Eblouis de lumière au sortir de la crèche,
Les troupeaux du fermier, — chèvres, vaches et bœufs, —
Egratignent de leurs sabots le sol tourbeux,
Tandis qu’un jeune pâtre, accroupi dans les prêles,
Façonne avec des joncs un piège à sauterelles.
Percée en plein taillis et bordant le ruisseau,
Une fuyante allée arrondit son berceau
Où des papillons bleus l’essaim dansant s’agite.
Là, couché sur la mousse ainsi qu’un lièvre au gîte,
J’écoute en rêvassant les glouglous familiers
D’une source filtrée aux tiges des ronciers,
Et l’éveil des oiseaux qu’attire son eau vive ;
Trilles des loriots, arpèges de la grive,
Babil de l’effarvatte et des merles siffleurs
Résonnent dans l’air pur que parfument les fleurs
Des tilleuls et l’exquis bouquet du chèvrefeuille.

Cependant qu’au soleil la forêt se recueille,
Voici, le nez au vent et la queue en plumeau,
Maître renard en train de gagner son housteau ;
Le jarret las, après sa course matinale,
Il coupe lentement l’allée en diagonale ;
Moi, je repense à Jean La Fontaine, et le vois
Flânant par les sentiers de ses bois champenois,
Ecoutant tout pensif la rumeur éloignée
D’un chêne qui s’affaisse au choc de la cognée ;
Epiant quelque vol de ramiers, ou parmi
Les herbes du chemin un convoi de fourmi…
Peu à peu, remontant jusqu’aux âges antiques,
Je revis avec vous, Divinités rustiques,
Qui régniez sur les eaux, les prés et les ravins,
Naïades aux yeux pers, Ægipans et Sylvains.
La chaleur de midi, plus pesante, me plonge
En un sommeil fleuri d’images, — et je songe :