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catholique, demandait-il, une source de justice suffisante, pour que la justice sociale réclamée par les générations qui se lèvent s’y puisse déployer à son aise et sans entraves ? » M. Kurth répondait oui ; et il continuait :


La démocratie chrétienne sera le lien vivant et fécond entre l’Église catholique et le XXe siècle. Pour nous, notre démocratie est une dilatation nouvelle, une expansion de l’esprit de l’Évangile ; elle représente un stade nouveau dans cette ascension continue des classes populaires, qui, depuis la fondation du christianisme, a fait monter le monde ouvrier de l’esclavage au servage, du servage à la liberté, et qui, interrompue pendant les siècles stériles de la Renaissance païenne, l’acheminera désormais, à la reconstitution et à la bourgeoisie du travail… Nous avons vu telles de nos idées, flétries il y a vingt ans, devenues des lois… Nous ne nous reposerons pas aussi longtemps qu’il y aura dans les relations sociales un progrès à réaliser, aussi longtemps que l’usura vorax, dénoncée par la grande voix de Léon XIII, gardera une seule des griffes cruelles qu’elle plonge dans la chair et le sang du peuple, aussi longtemps qu’il y aura cette fièvre de la jouissance et ce cri de misère imméritée[1].


De vifs applaudissemens éclataient. Il y avait là M. Beernaert, ministre d’Etat : il venait de saluer en M. Kurth « le penseur généreux, toujours préoccupé de l’amélioration du sort des masses, dévoué au progrès sous toutes ses formes, songeant à tout sauf à lui-même. » M. Kurth, tout de suite, témoignait que, dans la fête même dont il était le héros, il songeait à tout sauf à lui-même ; c’est par un cri de revendication sociale qu’il voulait que la manifestation fût close ; le « cercle démocratique chrétien Sainte-Véronique » prenait le nom de « cercle Godefroid Kurth ; » et c’était une joie pour M. Kurth, en ce jour où l’on rendait hommage à ses visions d’historien, de proclamer que « l’union de la science et de la démocratie sous les auspices de l’Evangile » était « la grande œuvre de ce temps. »


VII

Catholique et démocrate, démocrate d’ailleurs parce que catholique, M. Godefroid Kurth éprouve un attrait spécial pour l’histoire même de la Belgique, sa patrie ; et c’est dans le passé de la Belgique qu’il retrempe son énergie passionnée. Aimant le peuple avec l’ardente charité d’un chrétien, avec l’imaginative

  1. La Dépêche de Liège, 18 juillet 1906.