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Notre flotte est imposante. Le commandant général fait débarquer l’armée de terre et je vais marcher avec ma compagnie.

Je suis heureux et je veux vous le dire avant l’attaque.


Malgré la rude température de l’hiver, l’expédition poursuit son cours. Les fleuves, les canaux charriaient des glaçons, ce qui rendait la navigation lente et difficile ; les travaux excessivement durs ne furent pas arrêtés néanmoins. Les hommes et le matériel de guerre furent transportés sans interruption, mais au prix de quelles souffrances ! A cette rigueur de la saison devait succéder bientôt une température opposée et extrême. « Le soleil fut aussi un ennemi redoutable. »

L’armée de terre commandée par le général Cousin-Montauban entra dans Saigon où, depuis un mois, le commandant d’Ariès, capitaine de vaisseau, tenait en échec une nombreuse armée annamite, alors qu’il n’avait que 800 hommes et la garnison espagnole, 200 à peine. C’était une sorte de captivité étroite et périlleuse.

Le 7 février 1861, la frégate amirale jeta l’ancre devant Saigon. Au moment de débarquer, le commandant en chef[1] remit ses pouvoirs à M. de Surville, capitaine de vaisseau. Aussitôt à terre, il établit son quartier général dans un espace étendu nommé « la plaine des Tombeaux ; » sur cette plaine s’élevaient quatre pagodes ou redoutes nous appartenant et conservant de nombreux vestiges de leurs possesseurs précédens. L’armée y fut cantonnée ainsi que les services qui devaient la soutenir. Armée restreinte quant au nombre[2], mais admirable : une poignée de héros.

La concentration des forces était au point voulu. De son côté, l’ennemi achevait des travaux considérables devant lesquels de médiocres courages auraient cédé. Leurs retranchemens s’appelaient les lignes de Ki-oa ou Ki-hoa.


VI

Le 24 février à quatre heures du matin, le clairon sonne.

Il faisait nuit noire ; lorsque le soleil éclaira l’horizon, ses rayons tombèrent sur la colonne en marche. « Si l’attaque est vive, la

  1. Est-ce l’amiral Charner ou le vice-amiral Page ? — la lettre ne donne aucun nom.
  2. 4 000 hommes : infanterie artillerie, marins fusiliers et environ 150 Espagnols.