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l’énumération à cause de mes dames les plus chères qui me renieraient.

Les malheureux Chinois, bien loin de songer à la défense de leur territoire, avaient à peine aperçu les troupes que, remplis de terreur, ils fuyaient à toutes jambes.

En descendant à terre pour établir leur camp, nos soldats trouvèrent les maisons ouvertes, abandonnées, et leur instinct de pillage put se satisfaire. On y mit bon ordre.

Tranquillisés, les Chinois revinrent petit à petit retrouver leurs pénates et organisèrent tout de suite un marché, car ils sont très rapaces, et chaque matin nos cuisiniers vont s’approvisionner chez eux. Voilà le vrai tempérament chinois. Ainsi que les fils d’Israël les plus avisés, ils préfèrent la proie de l’argent à l’ombre de l’honneur.


À cette lettre en succéda une autre, — ou plutôt elles furent toutes deux apportées par le même paquebot ; — mon père trouva déplacé le ton de cette dernière.


Chère mère,

Je suis chef de gamelle comme tu es maîtresse de maison, je te plains.

La taule du carré me donne un souci extraordinaire. Pas moyen de varier ; de plus, la vie animale, comme nous disons humblement, est fort chère maintenant.

Naguère on avait vingt-cinq poulets pour deux piastres et tout était dans les mêmes proportions ; mais depuis, ces coquins ont haussé leurs prix, ce qui me met dans l’embarras, car souvent nos ressources ne sont pas au niveau de notre appétit.

Comment se nourrir convenablement, aujourd’hui que les poulets valent de 75 à 90 centimes ? Il faut reconnaître qu’ils sont énormes.

Hier, j’ai pu offrir à mes camarades un potage à la tortue, — (imitation Champeaux), — et un plat royal, des nids d’hirondelles. Mais à certains jours, notre table est d’un frugal !… la salade, c’est du gazon, très bonne quand même.

Une autre cause de souci est mon maître coq. Comme il ne peut rendre son tablier, je le soupçonne, ayant fait sauter toutes