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A M. Le Brieux à Brescia.


Brest, École du Borda, 2 juillet 1859.

J’ai beaucoup souffert pour toi, mon admirable père, j’ai pleuré ton bras perdu, ce bras qui nous portait tous les trois quand nous étions petits et que plus tard tu mettais à mon cou pendant nos promenades. Ce pauvre bras, il me manque, mais je le remplacerai pour toi.

Pendant mes congés, je serai toujours à tes côtés pour t’aider, en voyage, pour te soutenir, te porter s’il le faut ; à table pour te servir. Pendant ta convalescence, mon père, je te promènerai dans le parc ; au potager, je cueillerai pour toi les plus beaux fruits. S’il fait froid, je te conduirai dans les serres. Mais avant de te revoir, je sens tout mon chagrin et m’en laisse accabler. Mon père, ne m’accuse pas de manquer d’énergie.

Tes enfans ne déchoiront pas. Je te le promets. En le prouvant, Jean m’a ouvert la voie, tes deux fils te ressembleront, mon père.

J’attends toujours de tes nouvelles, — des siennes, — fais-m’en donner, je t’en prie. Mon père et mon frère blessés me tiennent seuls au cœur, le reste n’est rien.


Ces alarmes fraternelles, nous les éprouvions doublement, ma mère et moi. Pourquoi ne recevions-nous pas de lettre de notre pauvre Jean ? Lui, si soucieux de notre tranquillité ?… Chaque jour accroissait notre anxiété.

De mon père à ma mère.

Envoyez-moi souvent des lettres, des dépêches. Ne pouvant vous voir, j’ai besoin de vivre avec vous par la pensée et le souvenir.

Ces derniers mots répondaient au vif désir de ma mère, qui voulait aller en Italie, à Brescia d’abord, puis chercher mon frère, le ramener et le soigner en même temps que mon père.

Ma mère à mon père.

Votre infirmière sera moi. Qui saura vous soigner, vous consoler, — toi mon ami et toi mon fils, — vous guérir, comme