Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur vive expression. « Oui, oui, je suis la femme d’un héros. » Mais ce rayon s’obscurcissait bientôt sous la torture renouvelée, et ma mère perdait sa fierté pour ne songer qu’à sa douleur. Néanmoins elle pensait à tout. « Il faut prévenir ton frère dont l’inquiétude doit être extrême. »


Dépêche au Borda, 27 juin.

Ceux que nous aimons ne sont pas restés sur le champ de bataille, mais tous deux à l’ambulance : mon père à celle de Castiglione ; Jean, je ne sais encore.

Lorsque Robert reçut la lettre de son père que nous lui envoyâmes, il comprit ce caractère exceptionnellement fort, cette exquise bonté. Pas un mot de regret pour ce bras qui lui manque, ni de son avenir brisé. Nul retour personnel et « sa tendresse pour les siens s’accroît de la compassion, qu’il leur inspire. »

A Mme Le Brieux.

Brescia, le 27 juin 1859.


Mes chères affections,

Hier matin, le lendemain du soir où a eu lieu la désarticulation de mon bras, je me suis trouvé si mal couché, tellement éprouvé par l’odeur du sang et les plaintes des blessés, que je me suis fait transporter à Brescia dans le palais Rossi où je trouve tous les soins que vous pouvez désirer pour moi.

J’ai un peu dormi cette nuit. Soyez tranquilles sur moi. Mon fils est blessé très légèrement.

A Mme Le Brieux.


Brescia, 29 juin 1859.

Mes chères aimées,

Je puis vous affirmer que je suis un des hommes les plus heureux. J’ai même au fond de l’âme un profond sentiment de joie et de reconnaissance envers Dieu. On me dit que dans un mois peut-être je pourrai retourner en France ! Vous devez comprendre combien je suis joyeux ( ? ) ; pour comble de bonheur, on me soigne comme une madone. Je me remettrai donc plus vite.