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il y a aussi des raisonnemens d’État : ils prendraient un autre nom chez des particuliers. La commission du Sénat est restée insensible à l’intérêt qu’on lui présentait : elle a voulu étudier, consulter, enquêter, avant de conclure. L’exemple d’une loi sur les sociétés d’assurances qui lui a été aussi renvoyée par la Chambre ne l’encourage pas à tout accepter de celle-ci les yeux fermés. Il n’y a qu’un cri aujourd’hui contre un projet qui écrase les sociétés françaises au profit des sociétés étrangères et qui a besoin d’être profondément remanié. On avait compté sur la complaisance du Sénat pour consentir à tout. Il le fait trop souvent lorsqu’il s’agit de lois politiques, mais il y regarde de plus près lorsqu’il s’agit de lois économiques et financières : il remplit scrupuleusement cette partie de son devoir. Quoi qu’il en soit, le rendement législatif se réduit pour le quart d’heure à peu de chose. Rien n’est voté définitivement, pas même le budget. Une Chambre encore toute jeune et inexpérimentée a des excuses : mais elle ne pourra pas les invoquer bien longtemps.


A l’étranger, l’événement le plus important de ces derniers jours est la dissolution du Reichstag allemand. Rien que des discussions ardentes, violentes même, eussent déjà eu lieu dans l’assemblée impériale à l’occasion des affaires coloniales, on ne s’attendait généralement pas à l’orage qui y a éclaté le 13 décembre ni au coup de tonnerre qui l’a terminé. Faut-il voir dans ce grave événement une conséquence de l’état général de malaise où est l’Allemagne ? Faut-il en restreindre les causes au mécontentement causé par la médiocre gestion des affaires coloniales ? Il serait téméraire de le décider : peut-être y a-t-il eu de l’un et de l’autre.

Le dénouement s’est produit à l’occasion d’un crédit supplémentaire demandé pour continuer les opérations militaires engagées dans l’Afrique occidentale, crédit relativement élevé, il est vrai, car il était d’environ 30 millions, tandis que le crédit principal, rapidement absorbé en moins de huit mois, était de 27. Le gouvernement estimait indispensable d’entretenir en Afrique un corps de 8 000 hommes : il y allait à ses yeux de l’intérêt et de l’honneur du pays. Malheureusement, de mauvais bruits avaient couru sur l’administration coloniale. Ils avaient été portés au Reichstag, et il en était résulté des discussions très pénibles. Il avait fallu qu’un nouveau ministre des Colonies, M. Bernard Dernburg, vînt tenir tête aux critiques qui se produisaient de plus en plus acerbes ; mais ce choix même avait été critiqué, et M. Dernburg avait eu beaucoup à faire pour combattre