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que sur des différences extrêmement faibles. Tous ces protoplasmes ont une composition très analogue. Et en négligeant les minimes variations individuelles, spécifiques, génériques et ordinales il est permis de parler « au singulier » du protoplasme et de la matière vivante. La ressemblance chimique fondamentale de tous les protoplasmes est certaine, et c’est ce qui autorise à décrire leur composition typique qui se ramène à un mélange de matières protéiques à noyau hexonique ou de polypeptides. M. Le Dantec a insisté avec raison sur la diversité des protoplasmes. Suivant ce biologiste, le protoplasme serait, en effet, individuel. Pour parler comme lui, il faudrait dire que la substance chimique de Pierre est non seulement de la « substance d’homme, » mais, en tous lieux du corps, dans toutes ses cellules constituantes, l’exclusif protoplasma de Pierre, différent de celui de Paul.

Si l’on pousse les choses à ce degré, si l’on ferme les yeux aux analogies pour ne s’attacher qu’aux différences, si l’on se refuse à abstraire et à généraliser, on se trouvera donc conduit à admettre une variété dans les protoplasmes, c’est-à-dire dans la matière vivante, qui correspondra à la variété dans les formes vivantes. Et ainsi, s’évanouirait, sur ce terrain spécial, l’opposition ou le contraste que nous ne cessons de signaler depuis le début de cette étude entre l’unité du fonds vital et la multiplicité des formes vivantes.

Mais ce serait un abus de raisonner de cette façon. L’œuvre de la science consiste à abstraire le détail. Et M. Le Dantec lui-même pour arriver à la notion du protoplasme individuel a dû opérer une abstraction de ce genre : il a négligé la diversité des protoplasmes des divers organes.

L’expérience, d’ailleurs, a prononcé sur ce point. On a comparé les protoplasmes d’êtres très inférieurs, d’organismes monocellulaires de champignons myxomycètes (æthalium), de globules de levure aux protoplasmes de cellules libres (leucocytes) d’animaux très élevés tels que les mammifères. La nature des composans protéiques libérés par la désagrégation du protoplasme a été trouvée la même dans les deux cas par Reinke et Rodewald. On y a reconnu également les mêmes hydrates de carbone, les mêmes graisses, les mêmes sels minéraux, les mêmes fermens. On a cependant trouvé une différence : mais elle est d’ordre secondaire. Elle porte non sur la nature des substances, mais sur leur nombre. En passant de la cellule œuf à l’organisme adulte, ou de l’organisme inférieur à un organisme plus élevé le nombre des substances protéiques augmente par suite de