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c’est-à-dire d’aspect, soit intérieures, c’est-à-dire de structure : l’être vivant était décrit comme un édifice, dont on représente d’abord l’élévation en une sorte de tableau ; puis, au moyen des plans et des coupes, la distribution des parties et l’armature ou charpente. La zoologie, la botanique ont été surtout des sciences anatomiques ou morphologiques, c’est-à-dire attachées exclusivement à la description des formes.

Ce n’est que plus tard qu’a pu être abordée l’étude des inexprimables qualités dont l’ensemble forme le quid commune, le fonds commun de l’animalité : et cette préoccupation répond à la création d’une science nouvelle, la physiologie générale, avec son annexe, l’anatomie générale.

La date de cette rénovation des études biologiques se place vers le milieu du siècle dernier. Jusque-là, la considération du fonds vital fut sacrifiée à celle de la forme. Aujourd’hui, nous voyons une exagération contraire. La forme est subordonnée au fond par M. Le Dantec ; les lois morphologiques sont sacrifiées à la loi physiologique par M. Quinton et ses amis. Ce sont là des excès de l’esprit logique, et surtout de l’esprit de système. Un profond philosophe, M. E. Boutroux, voit un défaut de l’esprit français dans cette inaptitude à concevoir la coexistence des « contraires » ou seulement des « divers. » Ne pouvant faire vivre en conciliation ces idées, cependant compatibles, de la diversité extrême des formes vivantes avec la constance relative du fonds vital, les esprits systématiques ont accordé la prééminence tantôt à l’une, tantôt à l’autre. Pour les anciens, pour Aristote, l’être vivant était tout entier dans la forme. Cuvier a pensé de même. Il disait : « La forme des corps vivans leur est plus essentielle que leur matière. » L’histoire naturelle, selon lui, devait raconter et expliquer « les formes extérieures et intérieures des végétaux et des animaux. »

Mais, d’autre part, et en appliquant le critérium même de Cuvier et des naturalistes, d’après lequel l’importance d’un caractère s’apprécie à sa généralité et à sa constance, ne faudra-t-il point dire que le fonds vital relativement permanent et universel-doit primer la forme toujours mobile et changeante ? Ainsi, suivant les temps et les écoles, c’est le point de vue de l’histoire naturelle que l’on voit dominer ou c’est le point de vue de la physiologie générale. Disons qu’ils doivent se concilier et non s’exclure.