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bienfaisans ; son but, c’est le bonheur du peuple. « Quand le roi est mauvais, la terre se couvre de longues herbes. » Le souverain appartient au peuple : « Il n’a ni parens, ni frères, ni sœurs ; ceux qui approuvent les lois sont ses parens. » Sa famille est grande : « Il ne faut pas imiter le petit insecte qui ne connaît que le trou par où il peut pénétrer : ne fais pas comme celui qui n’est sensible qu’aux souffrances de ses enfans. » Mais tous doivent se courber devant son autorité sublime : « On ne peut pas faire avec lui comme le sonje qui veut dépasser le bananier, ou comme le rejeton qui veut dépasser l’arbre qui l’a produit ; on ne saurait mettre des bornes à son autorité, car c’est à lui qu’appartiennent et la terre et le royaume. »

Ce monarque orgueilleux qui vivait dans la contemplation quotidienne d’une race qu’il avait faite pacifique, laborieuse et riche, dans le souvenir de ses conquêtes ascendantes, dans la vision d’un agrandissement progressif de son royaume jusqu’à la mer, habitait, sur la terrasse du Rova, parmi des arbres, une petite case en bois dont l’intérieur était noirci par la suie.

C’est dans cette demeure sombre et vide comme un tombeau qu’un soir, sentant que « la maladie allait fixer son sort, » Andriana convoqua, autour de son grand lit perché, ses femmes et ses enfans et, s’adressant à Radama, dit : « O mon fils aîné ! Comme tes traits me charment ! Tu ne ressembles pas aux autres hommes ! On dirait un dieu descendu du ciel !… Je ne meurs pas dès lors que tu vis, car j’ai en toi un taureau digne de me succéder… O Radama ! voici que nous deux nous sommes intimement unis. Ne sois donc pas un indigne successeur d’un père parfait et de nos ancêtres, car cette terre ne nous appartient pas, mais elle nous a été donnée par Dieu ! » Il affirmait sa survivance : « Les morts ont des successeurs, et les vivans reproduisent leurs images en enfantant des remplaçans. »

Ce que nous montre le règne d’Andrianampoïnimerina, ce que Tananarive, ville qui s’échelonne par gradins de maisons superposant leurs terrasses jusqu’au palais de la Reine, révèle d’une leçon puissante et méthodique, c’est la passion instinctive de l’imagination et de l’esprit hovas à tout concevoir en hauteur, en étages, en amphithéâtre. La rizière hova, en escalier de plates-bandes, s’élève jusqu’au coteau que commande la haute case de boue avec son balcon. On voyait en ville, près des maisons, des terrasses, — fijéréna, — où, au déclin du jour, les