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L’immigration arabe ne s’arrêta pas à cette côte car des légendes des hauts plateaux font monter jusqu’au Betsileo un prince arabe de Matitana qui y aurait fondé les premières familles de chefs. Un autre aurait atteint Tananarive : ce serait « ce prince tombé du ciel, » né d’un dieu « sur une montagne de l’Est du Mangoro, » dont la tradition verbale fait le premier des Andrianas, de cette classe d’hommes ingénieux, forgeant le fer et construisant des maisons en bois, qui fut l’aristocratie souveraine de l’Imerina.


II. — LES PANGALANES. — LA VIE BETSIMISARAKE

Une succession de grands lacs formés par les soulèvemens coralliens, lacs verts, la plupart ronds comme des bassins, qu’à travers les pangalanes (monticules sablonneux) des canaux d’eau bleue, droits comme des avenues, relient les uns aux autres. La mer est proche, parallèle, mais cachée derrière une frontière de bocage continu dont la ligne plane serait monotone si, à intervalles, ne pointaient de longs filaos. Cette masse compacte de verdure lasserait aussi la contemplation si quelques feuilles rouges de badamier, posées dans des bouquets clairs, ne donnaient une sensation savoureuse de fruits mûrs, et surtout si d’innombrables branches mortes, toute une survivance de tiges blanches se tordant sur les formes rondes de la sylve printanière, en maints endroits ne lui superposaient un aspect étrange d’hiver diaphane. Parfois des trouées s’élargissent en clairières de vergers ; puis les bois s’épaississent en forêts au ras desquelles rampe une mince rive de sable. Sur sa blancheur de chaux, des bœufs noirs sont allongés dans une lumière éblouissante. Puis, dans une anfractuosité, le soleil bleuit, entre des manguiers lourds comme des blocs de malachite, la paille de quelques cases carrées ; sur le terre-plein, des oies, un bœuf couleur d’acajou ; une femme décolletée sort d’une porte et lève le pilon de riz ; et des sentiers, du village, rentrent dans les bois.. » Que, si près de la mer, les choses puissent offrir un aspect si intime de vie cachée en profonde forêt, on reste longuement charmé. Vers l’intérieur persiste une ondulation de collines inlassablement rondes, pelées, aux tons de brique et de rubis, portant à leurs versans de grandes ombres de brûlure.

L’eau de ces lagunes traversées inférieurement par les