Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théorique et, si l’on veut, de pure apparence ; qu’elle n’exista guère sérieusement que dans l’esprit des docteurs-régens et dans l’enceinte de la Faculté. Là, lorsqu’il se « faisait une anatomie, » le médecin présidait sans s’abaisser à toucher au cadavre. Seul le barbier-chirurgien maniait le scalpel. La Faculté instituait-elle un cours de chirurgie ? Les étudians en médecine y étaient seuls admis et, pour mieux écarter tout indigne, la leçon s’y donnait en latin. Enfin, tout bachelier-chirurgien, avant d’être admis à la licence, devait s’engager, par acte devant notaire, à renoncer à l’exercice de cet art manuel « pour garder la dignité du corps médical. » De cette exclusion, un petit groupe, les chirurgiens lettrés de Paris, ont souffert dans leur amour-propre pendant un siècle et demi environ, — 1575-1725, — et c’est de leurs protestations et de leurs dissensions avec la Faculté qu’est issue la croyance à une sujétion réelle, constante et générale, de la chirurgie à la médecine sous l’ancien régime.

Toute différente était la situation effective : au point de vue de l’instruction technique les chirurgiens étaient plutôt supérieurs aux médecins. « Pendant trois ans, dit Ambroise Paré, j’ai résidé en l’Hôtel-Dieu de Paris, où j’ai eu le moyen de voir et connaître, eu égard à la diversité des malades y gisant ordinairement, tout ce qui peut être d’altération au corps humain, et aussi d’apprendre, sur une infinité de corps morts, tout ce qui se peut considérer sur l’anatomie. » Cet illustre opérateur avait commencé par être garçon barbier, et n’entra au collège de Sainte Côme que lorsqu’il était déjà premier chirurgien du Roi.

En ce temps où il n’y avait pas d’internes-médecins dans les hôpitaux, tous les apprentis ou garçons chirurgiens y servaient pendant six années consécutives, avec titre de « premier-compagnon » sous les ordres du chirurgien traitant. Ils n’y apprenaient rien d’Hippocrate, mais ils y apprenaient leur métier.

Pour être un « métier » du reste, celui du barbier-chirurgien n’en exigeait pas moins, avant d’être admis à la « maîtrise, » autant de connaissances que l’ « art libéral » du médecin avant d’être admis au « doctorat. » Les épreuves chirurgicales, le « chef-d’œuvre, » disait-on, comprenaient la « tentative, » le premier examen, l’ostéologie, l’anatomie, les saignées, les médicamens et le dernier examen. L’anatomie seule durait une semaine. Les « disciples en chefs-d’œuvre » étaient tenus, sous peine d’amende, d’assister tous les premiers mardis du mois au « sépulcre, »