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traitement fut combattu dans une thèse précédée de cette épigraphe :


Est modus in rébus, sunt certi denique fines
Quos ultra, citraque nequit consistere rectum.


Cependant, les médecins, dès le XVIIe siècle, commençaient à réagir contre les apothicaires, dont « le peuple, disaient-ils, était las. » et chez qui l’ « insatiable avarice » n’excluait pas l’ignorance. Erreurs comiques, lorsqu’il s’agit de César Borgia achetant le soir de ses noces, pour « mieux festoyer sa dame, » des pilules qui, au lieu de remplir leur office aphrodisiaque, se trouvèrent laxatives, « tellement que toute la nuit il ne cessa d’aller au retrait ; » charlatanisme grossier, lorsque ces maîtres-apothicaires, que par dérision l’on nommait il y a deux siècles des « pharmaciens, » vendaient des fruits d’églantiers sous le nom de « microbulares » et les plus sales produits sous le couvert d’un élégant mot latin ; toujours est-il que leur « tyrannie » fut attaquée par la Faculté sur leur terrain traditionnel : « Dans la plupart des grandes maisons, il n’y a plus d’apothicaire ; c’est un homme ou fille de chambre qui fait et donne les lavemens, et les médecines aussi que nous réduisons la plupart en jus de pruneaux… ; l’infusion de trois gros de séné en un verre d’eau purge aussi bien qu’un tas de compositions arabesques et bézoardesques. »

Ce « bézoard, » calcul extrait de l’estomac de certains quadrupèdes, auquel la médecine du moyen âge attribuait de merveilleuses vertus, était l’un de ces remèdes imaginaires qui avaient traversé victorieusement les siècles. Il fut alors « si bien secoué qu’il n’en demeura que poudre et cendres ; » avec lui disparurent la « confection d’hyacinthe, » la « corne de licorne » et les « fragmens précieux. »

Une commission de docteurs publia sous ce titre, Le Médecin charitable, en regard des tarifs usuels de la pharmacie, le prix de revient des substances les plus habituellement employées, comparaison peu faite pour encourager les acheteurs. Les drogues, dont l’ancienne pharmacopée était surchargée, devinrent plus abordables : le sangdragon ou « sang de dragon, » vendu 164 francs le kilo en 1344, était payé 44 francs seulement en 1696 par l’hôpital de Bordeaux. C’était la résine des fruits du Calamus Draco, employée, en raison de son astringence,