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Macédoine, qui avaient pu fréquenter les grands philosophes et entendre les pièces d’Euripide ou de Ménandre, inventaient contre leurs ennemis, ou ceux qu’ils croyaient l’être, des supplices qui font frémir. Ils avaient pour principe que, lorsqu’on tue quelqu’un, il ne faut laisser vivre aucun des siens qui puisse le venger, et ils exterminaient la famille entière. C’est évidemment cette façon de se conduire qui a découragé les sympathies que s’étaient attirées les Grecs et compromis l’admiration qu’excitaient partout les chefs-d’œuvre de leur art et de leur littérature.

Il n’y avait rien de semblable à Rome. Sans doute la race y est rude, les lois très rigoureuses, la famille surtout sévèrement organisée, femme, enfans, serviteurs dans la main du père et sous une dure discipline. Le premier aspect de cette cité sérieuse, que dirige une aristocratie solennelle, plus occupée d’affaires que de plaisir, est loin d’être aussi attrayant que celui d’Athènes où, selon Bossuet, « les fêtes et les jeux étaient perpétuels, où l’esprit, où la liberté et les passions donnaient tous les jours de nouveaux spectacles. » Mais au moins n’y trouve-t-on pas autant de ces scènes de férocité que la Grèce nous a trop souvent offertes. Au fond, les mœurs y étaient plus douces qu’elles ne paraissent. Par exemple, les Romains se piquent d’avoir diminué l’atrocité des supplices, qui est une des hontes du monde antique. « Il n’y a pas de nation, dit un de leurs écrivains, qui en use avec plus de douceur que nous dans la punition des coupables[1]. » C’était la vérité. N’oublions pas que Rome est la première qui ait aboli la peine de mort en matière politique. Polybe fut très surpris de voir, quand il y arriva, qu’un citoyen, accusé d’un crime capital, a le droit, pendant qu’on délibère, de sortir ouvertement de la ville ; tant qu’il reste une tribu qui n’a pas rendu son verdict, il peut se soustraire au châtiment par l’exil. Les Romains passent pour le plus guerrier de tous les peuples, et l’on sait qu’en effet le temple de Janus n’a presque jamais été fermé chez eux. Il parait pourtant à certains indices qu’il n’a pas toujours été facile d’arracher ce peuple de laboureurs à ses fermes et à ses champs pour le jeter sur ses voisins et qu’il a plus souvent subi la guerre qu’il ne l’a cherchée ; mais une fois qu’elle est commencée, il la mène avec vigueur. Sa main s’abat lourdement sur ceux qui lui

  1. Tite-Live, IV, 9.