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veut les connaître. Chez nous, dans le monde intelligent de Paris, personne, au XVIIe siècle, n’ignorait l’hôtel de Rambouillet ou les autres sociétés littéraires ; et même, quoique les relations fussent alors plus difficiles et plus rares entre Paris et la province, la renommée s’en était répandue jusqu’aux extrémités de la France. On a souvent cité le passage de Chapelle, où il raconte qu’il ne fut pas peu surpris, dans son voyage, de rencontrer à Montpellier des précieuses qui affectaient d’imiter les mignardises et le parler gras de celles de Paris, qui dissertaient sur l’Alaric et le Moïse, sur la Clélie et le Cyrus, et qui lui demandaient des nouvelles « de ces messieurs de l’Académie. » Quant aux salons du XVIIIe siècle, c’est bien au-delà de la France qu’ils étaient connus. On en parlait dans l’Europe entière, et ils étaient partout le modèle sur lequel l’esprit public essayait de se former.

Soyons assurés que la société de Scipion n’a pas échappé non plus à la curiosité publique. Dès l’époque où furent représentées les premières pièces de Térence, c’est-à-dire quand elle venait à peine de naître, elle était déjà en grand honneur. Elle occupait sans doute les conversations des oisifs quand ils se rassemblaient au Forum, près de la tribune, ou dans les basiliques voisines. Puisqu’on en parlait beaucoup, il était naturel qu’on cherchât à l’imiter ; c’était sans doute une manière de se mettre à la mode. Des réunions durent se former, dans lesquelles des personnes lettrées, ou qui voulaient s’en donner la réputation, causaient volontiers entre elles de sujets de morale et de philosophie. L’habitude s’en était conservée à l’époque suivante, dans les beaux jours du siècle d’Auguste. Horace qui venait de s’établir dans la villa que Mécène lui avait donnée, et jouissait du plaisir d’être chez lui, nous raconte qu’il reçoit à sa table quelques campagnards des environs. Il nous dit qu’on y vient sans cérémonie, que personne ne se croit obligé d’obéir aux lois rigoureuses de l’étiquette qui régissaient alors les repas, et dont Varron avait rédigé le code, que chacun y fait ce qu’il veut et y dit ce qui lui plaît. On n’y répète pas, comme à l’ordinaire, les cancans du voisinage ou ces nouvelles des théâtres, qui sont l’aliment des conversations romaines et se répandent jusque dans la banlieue ; « on y parle de ce qu’il importe avant tout de connaître, de ce qu’il serait dangereux d’ignorer ; on cherche si c’est la richesse qui fait le bonheur, ou la vertu ; sur quel fondement expose la véritable amitié ; quel est le principe et la règle du