Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/964

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produite, sans qu’il y ait eu de notre faute ni de celle de personne, dans un moment où le gouvernement espagnol était troublé par une crise, et même une double crise ministérielle, qui vaudrait la peine d’être racontée en détail ; mais le temps nous presse et la place nous manque. Les crises ministérielles deviennent bien fréquentes en Espagne ! Il y a quelques mois, M. Moret, qui avait remplacé M. Montero Rios, cédait lui-même la place à M. le maréchal Lopez Dominguez. Nous avons à ce moment, on s’en souvient peut-être, émis des doutes sur la solidité de la nouvelle combinaison. Il nous semblait qu’elle ne durerait que si M. Moret le voulait bien, et nous nous demandions s’il le voudrait longtemps. Il ne l’a pas voulu longtemps. Un jour, il a écrit une lettre au Roi pour lui déclarer que le parti libéral était divisé, — hélas ! il l’est toujours, — et le ministère a dû disparaître. Mais l’opération, ainsi faite, a causé un grand scandale. On a trouvé généralement que le procédé de M. Moret était peu correct, peu constitutionnel même, et son arrivée au pouvoir, bien loin de ramener l’union dans le parti libéral, y a déchaîné toutes les discordes. Le maréchal Lopez Dominguez, sentant les sympathies dont il était entouré, a pris la parole au Sénat pour se plaindre du coup imprévu qui l’avait renversé : il a été couvert d’applaudissemens si nombreux que M. Moret s’est senti atteint à son tour et qu’il a donné sa démission. Son ministère avait duré trois jours. Il a été remplacé par un des hommes d’État les plus estimés, les plus considérés de l’Espagne, mais le plus âgé peut-être : M. le marquis de la Vega de Armijo a quatre-vingt-deux ans. Il a choisi pour ministre des Affaires étrangères M. Pérez Caballero, qui était second plénipotentiaire de l’Espagne à la conférence d’Algésiras : — le premier était le regretté duc d’Almodovar. — Nous souhaitons à ce ministère une longue vie. Mais il sera aux prises avec de grandes difficultés, car les passions religieuses et anti-religieuses font rage autour de lui, et il n’y en a pas de plus violentes. Ce n’est pas seulement en France qu’il faut compter avec elles, on le voit, c’est partout ! L’Espagne a voulu faire une loi sur les congrégations, en quoi elle n’a peut-être pas eu tort ; il y a quelque chose à faire, en Espagne, dans ce sens. Mais le gouvernement libéral a un peu trop imité nos propres lois, en quoi l’avenir montrera s’il a eu raison. Ce sont choses d’Espagne : nous devons nous maintenir dans le rôle de spectateurs.

Un gouvernement espagnol, quel qu’il soit, est toujours prêt sur la question du Maroc : aussi ne doutons-nous pas que l’accord se soit établi d’une manière complète entre notre gouvernement et celui de