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gouvernement n’ait aucun sens, elle signifie que les prêtres étaient invités à continuer dans les églises l’exercice du culte. D’ailleurs, y vient qui veut ; il n’est pas nécessaire de faire de convocations ; nous sommes entrés dans des églises et nous avons vu célébrer des messes qui n’avaient quelquefois attiré qu’un nombre infime de personnes. Admettons toutefois qu’il ait fallu une déclaration : qui doit la faire ? Est-ce au curé qui dit la messe ? Est-ce aux fidèles qui y assistent ? On aura beau tourner et retourner la loi de 1881, on n’y trouvera aucune obligation spéciale pour le curé. Pourquoi donc serait-il coupable d’une contravention, alors que les fidèles ne le seraient pas ? M. le garde des Sceaux est un procureur de la forte école du second Empire ; il a bien connu les redoutables parquets de cette époque ; nous doutons cependant qu’il trouve dans ses souvenirs une jurisprudence applicable ici. Les juges de paix seront bien embarrassés ! S’ils condamnent, l’affaire sera portée en Cassation et la Cour suprême aura à dire si la loi a été appliquée. Dira-t-elle qu’elle l’a été ?

Il est presque inévitable que le gouvernement et les Chambres en perdent la tête, et c’est bien ce que le premier est déjà en train de faire. On prépare des lois nouvelles, qui seront des lois de représailles. On sera peut-être amené à fermer les églises, en dépit des protestations de M. Clemenceau que jamais, pendant qu’il serait ministre, il ne laisserait commettre une pareille faute. On retirera peut-être au clergé les bénéfices matériels de la loi de 1905, bénéfices qu’il avait acceptés en repoussant le reste. Qui peut dire ce qu’on fera ? Qui aurait pu prévoir ce qu’on a déjà fait ? Personne ne s’attendait à ce que le gouvernement, commettrait la maladresse d’opérer des perquisitions chez Mgr Montagnini et de lancer un décret d’expulsion contre ce prélat. C’est un acte purement impulsif qui montre que le gouvernement agit d’abord, sauf à réfléchir ensuite. Mgr Montagnini, autrefois attaché à la nonciature apostolique, continuait de garder la maison après le départ du nonce. Il n’avait plus aucun caractère diplomatique, mais il méritait certains ménagemens, et, si on a cessé de les lui témoigner, c’est qu’on a voulu, à travers sa personne, se livrer à un acte de violence contre le Saint-Père. Mesure brutale, dont l’inconvenance sera sentie à Rome, mais « "ailleurs puérile et parfaitement inefficace. A supposer, ce que nous ignorons, que Mgr Montagnini fût resté en relations avec des membres du clergé français auxquels il transmettait les instructions de Rome, on ne sera pas embarrassé, à défaut de lui, de trouver un autre intermédiaire. Le gouvernement de la République n’a donc fait qu’une manifestation,