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décembre a soulevé les protestations les mieux fondées et les plus vives. Si le groupement de fait des professeurs d’un grand séminaire est une association cultuelle déguisée, pourquoi ne pas en dire autant du groupement de fait qui se produit, dans l’église même, entre le curé et ses assistans pour la célébration des offices ? Où s’arrêtera-t-on dans cette voie ? Soumettre les professeurs et les administrateurs d’un grand séminaire aux obligations que la loi de 1905 impose aux associations cultuelles, c’est les condamner à se disperser, puisque le Pape n’a pas autorisé ces associations. La question de local est ici secondaire. A supposer que les « groupemens de fait » dénoncés par M. Briand soient illégaux dans les locaux actuels, ils le seront ailleurs, ils le seront partout. Autant déclarer qu’ils sont interdits, et dès lors, où et comment les prêtres se formeront-ils ? Comment le clergé se recrutera-t-il ? M. Briand avait dit pourtant à la Chambre que, même en dehors de la loi de 1905 dont l’Église avait le droit d’abandonner les avantages, le principe dominant de cette loi subsistait tout entier, et que la République assurerait par d’autres moyens aux catholiques la liberté de leur conscience et l’exercice de leur culte. Entre cette affirmation du ministre et sa circulaire, la contradiction était patente. On le lui a fait remarquer, il l’a reconnu, il s’est efforcé de réparer le mal. Mais le coup était porté, la blessure était faite : les conséquences n’ont pas tardé à se développer.

Le 7 décembre, M. Briand faisait une nouvelle circulaire qui n’avait d’autre défaut que de venir un peu tard. Il reconnaissait enfin que les associations formées en vue du fonctionnement d’un grand séminaire n’étaient pas nécessairement cultuelles, et qu’on pouvait tout aussi bien les considérer comme scolaires. Il n’y avait qu’à ne pas leur assigner pour but de former des prêtres, mais bien de faire des licenciés ou des docteurs en théologie : aussitôt tout changeait de face, et, au lieu de la loi de 1905 condamnée par le Pape, on pouvait se réclamer des lois de 1875 et de 1880 relatives à la liberté de l’enseignement supérieur. Il suffisait de changer un mot pour que tout prît une face nouvelle. Voulait-on sauver les petits séminaires après les grands ? Rien de plus simple : il suffisait de les rattachera la loi de 1850, qui a proclamé la liberté de l’enseignement secondaire. Il reste à la vérité peu de chose de cette loi et ce peu de chose est menacé : n’importe, le principe de la liberté subsiste jusqu’à nouvel ordre, et chacun peut l’invoquer. Ainsi la seconde circulaire de M. Briand ramenait la première dans ce qu’on peut appeler l’alignement du droit commun. Il revenait lui-même à la méthode dont il avait déjà usé